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Divorce et remariage

Osons en parler

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J’aimerais par cet article inciter les plus « conservateurs » à revisiter la position traditionnelle évangélique sur le divorce et le remariage. J’espère atteindre mon but sans que les plus « progressistes » aient l’impression que j’élargis la porte pour justifier toutes sortes de raisons pour le divorce et le mariage.

05 Mars 2022

Je sais qu’il s’agit d’un sujet qui éveille tant d’émotions, car grande est la sensibilité de la plupart. Aborder « malencontreusement » le sujet du divorce et du remariage reviendrait à rouvrir de vieilles plaies pour certains, agiter les peurs les plus enfouies ou réveiller les démons du passé pour d’autres.

Alors que la nouvelle génération apprend à tout réévaluer à la lumière de la Parole de Dieu et tenir compte du témoignage historique de L’Eglise, j’aimerais par cet article inciter les plus « conservateurs » à revisiter la position traditionnelle évangélique sur le divorce et le remariage. J’espère atteindre mon but sans que les plus « progressistes » aient l’impression que j’élargis la porte pour justifier toutes sortes de raisons pour le divorce et le mariage.

La position traditionnelle sur le divorce et le remariage

La position courante parmi les évangéliques au Burundi est celle qui est couramment appelée dans ce débat celle de la permanence du mariage : aucune raison n’est bibliquement valable pour justifier un divorce, à moins que l’époux/épouse décide de déserter. Dans de tels cas, le remariage n’est pas permis jusqu’à ce que le partenaire meurt.

La version un peu plus souple serait celle qui autorise de quitter son époux/épouse sous des conditions extrêmes comme : maltraitance physique extrême ou infidélité continue. Mais celle/celui qui divorce ne peut se remarier que quand son partenaire n’est plus de ce monde. On ne manquera pas de se demander comment une telle vision des choses est-elle devenue aussi prédominante dans notre contexte ?

Je vois au moins trois facteurs principaux qui auraient contribué à rendre cette version si respectable et répandue au Burundi

Le missionnaire

Nous savons tous combien les missionnaires trouvaient si important d’inculquer chez les africains une culture de la retenue. L’Ethique prescrite avait le rôle prépondérant de dompter son instinct violent et impulsif. Il fallait encourager une éthique qui leur permet de développer petit à petit le contrôle de soi. C’est ainsi que dans une culture dominée par la polygamie, l’idéal de la permanence du mariage monogame fut prêché par le blanc.

Le Patriarcat

Dans une culture où les hommes dominaient sur les femmes avec tous les maux que cela entrainait dans le foyer, des proverbes comme « Niko zubakwa » ont été taillés longtemps avant le missionnaire visant à préparer psychologiquement l’épouse à tout endurer sans la moindre résignation. Ainsi, une femme idéale est celle qui doit tout endurer sans rien revendiquer même le droit de crier pour demander secours. La position de la permanence est souvent prêchée par ceux qui ont une vision patriarcale du genre.

L’Eglise catholique

L’Eglise catholique s’est prononcée conservatrice sur un bon nombre de sujets liés à l’éthique chrétienne comme la contraception, l’homosexualité, l’avortement et l’euthanasie entre autres. Dans certains cas, leur position traditionnelle a eu un impact positif sur le climat moral ambiant, mais dans d’autres cela a obscurci le jugement des Evangéliques. L’influence de l’Eglise catholique sur la conscience collective, la peur de décevoir les attentes des gens déjà conditionnés par l’Eglise catholique, a fait que certains évangéliques aient peur d’émettre une opinion qui serait considérée comme un standard moral plus bas que celui des Catholiques qui ne sont pas censés nous devancer en matière de foi et moralité.

Que dit l’Histoire de l’Eglise?

Je crois que le Burundi n’est plus le pays enclavé qu’il était jadis tant culturellement, économiquement que politiquement. La modernité lui a offert des moyens pour transcender ses limites et s’intégrer dans la course des nations. Le burundais idéal n’est pas seulement celui qui cherche à affermir son identité culturelle unique mais celui qui aspire également à être un « citoyen du monde ». 

Cela va de soi sur le plan théologique et religieux. La nouvelle génération est exposée plus que jamais aux nouvelles idées et se redéfinit. Nous apprenons peu à peu à entrer en conversation avec l’Histoire et trouver de nouveaux repères. Parfois, l’aventure se termine mal et la version du christianisme qui en résulte est pire que celle que nous ont léguée les missionnaires. Mais dans certains cas, le dialogue a permis d’établir une distance objective avec notre héritage pour faire un tri nécessaire.

Divorce et remariage pendant l’âge des Pères de l’Église.[1]

Le mariage était considéré dans l’empire romain comme un contrat privé qui, comme tous les autres contrats, pouvait être dissout. La réaction de l’Eglise dans de tels cas a été celle de nager à contre-courant d’un tel laxisme moral.

  • Vers 140, Le Berger d’Hermas traite le sujet à propos d’un mari qui continue à vivre avec une femme adultère. Hermas n’a pas le choix : il doit divorcer. En même temps, « pour sa repentance », un second mariage lui est interdit. Si une épouse fautive se repent, son époux doit la reprendre en mariage. Le remariage, autre qu’avec l’ex-épouse repentante, était considéré comme un adultère.
  • Vers 200, Tertullien comme ses contemporains, considère que le lien conjugal est indissoluble. Dans ses Traités sur le mariage et le remariage, il s’oppose fermement au remariage d’une femme même après la mort de son mari, car alors elle aurait « un mari dans la chair et un autre dans l’esprit ». Il défend que la nouvelle loi du Christ abroge la loi de l’Ancien Testament autorisant le divorce ; cette même nouvelle loi interdit ainsi le remariage. Tertullien reconnait cependant le remariage si la dissolution du premier (soit par décès, soit par divorce) ait eu lieu avant la conversion au Christ, car en lui on devient une nouvelle créature.
  • Vers 300, le concile d’Elvire s’oppose vigoureusement au remariage. Les femmes qui divorçaient de leur mari, quel que soit le motif, devaient être excommuniées. Si une femme « innocente » (qui a divorcé d’un mari adultère) devait se remarier, elle devait se voir refuser les sacrements jusqu’à la mort de son premier mari, après quoi elle pourrait être réadmise à l’église. Cependant, parce que son crime n’était pas aussi grave, si elle devait mourir avant son premier mari, elle pourrait recevoir le sacrement de l’extrême-onction.
  • Jérôme (347-420) croyait qu’une femme pouvait quitter un mari coupable de perversion sexuelle ; « pourtant il est toujours son mari et, tant qu’il vit, elle ne peut pas en épouser un autre. » Si elle divorce de son mari et se remarie, elle et le nouveau conjoint seraient coupables d’adultère. Ils ne pouvaient pas recevoir l’Eucharistie (le Repas du Seigneur) tant qu’ils n’avaient pas fait pénitence en acceptant de s’abstenir de tout autre rapport sexuel.
  • Seul Origène faisait exception parmi les pères de l’Eglise, lui qui, dans son commentaire sur Matthieu permettait le divorce et le remariage sous certaines conditions.

    Divorce et remariage pendant le Moyen Age

    L’enseignement de l’Église catholique romaine était basé sur les formulations d’Augustin d’Hippone, qui considérait le mariage comme un sacrément. Ses vues ont été plus clairement organisées par Thomas d’Aquin et incluses dans le droit canon.

    Pour Augustin, « le mariage revêt un certain caractère sacramentel, (qui) ne peut être dissout que par la mort de l’un d’eux. Un tel lien sacramentel tient malgré l’adultère. En conséquence, il a fait valoir que, bien que le divorce soit autorisé en raison de la fornication de la part d’un époux, le remariage est hors de question, car, quelles que soient les circonstances ou qui peut être le coupable, le lien du mariage demeure. À moins que le conjoint d’origine meure, le remariage est considéré comme un adultère.

    Alors qu’un mari est tenu de divorcer d’une femme qui commet continuellement un adultère, il ne peut pas se remarier (cela constituerait un adultère de sa part) à moins qu’elle ne meure ; si elle se repent, il doit se réconcilier avec elle, bien qu’il ne puisse être contraint de le faire. Dans le cas où un seul des conjoints est croyant, Thomas d’Aquin enseignait que l’incroyant pouvait être répudié, car « l’adultère spirituel est plus grave que charnel ».

    Si une femme non chrétienne est disposée à rester mariée, le mari chrétien ne pouvait se remarier ; mais si l’épouse, cependant, ne le voulait pas, alors « le mari croyant, après s’être séparé d’elle, (pouvait) être uni à une autre dans le mariage sans que cela constitue un péché.

    3.  Divorce et remariage pendant les temps des Réformateurs

    La réforme protestante était une réaction contre les déviations théologiques, morales, ecclésiastiques. Cela incluait le fait de rejeter l’idée que le mariage soit un sacrement. Les réformateurs étaient unanimes pour rejeter le célibat obligatoire des prêtres. Mais tandis que l’Eglise adhérait à une vision commune selon le droit canon tel qu’élaboré par Saint Thomas d’Aquin, la réforme protestante, quant à elle, n’a jamais eu une position unanime sur le divorce et le mariage compte tenu des origines diverses de ce mouvement. Nous considérerons ici les points de vue de Luther et Calvin comme figures représentatives de la Réforme.

    Martin Luther tenait le mariage en haute estime. Il croyait que « Le mariage a été institué par Dieu et que par nature, il est d’une nature telle qu’il pousse, pousse et force les hommes vers l’état spirituel le plus intérieur et le plus élevé, vers la foi ». En même temps, tout en tenant une vision exaltée du mariage, Luther croyait que lorsque Jésus parlait du divorce dans les Evangiles, il ne légiférait pas sur la question, mais prêchait contre une utilisation capricieuse des lois sur le divorce.

    Dans sa propre prédication sur le divorce, Luther était assez flexible quant à ce qui constitue une cause juste du divorce. Il a cité l’adultère comme la seule cause donnée par Jésus. À travers la loi mosaïque, l’adultère était passible de la peine de mort. Par conséquent, un adultère « a déjà été répudié, non par un homme mais par Dieu lui-même, et séparé non seulement de sa femme mais de cette vie même ». Dans un tel cas, l’autre partenaire est totalement libre de toute obligation envers l’ex-conjoint. L’adultère pour Luther, cependant, n’était pas le seul motif possible. La désertion du conjoint et de la famille, pensait-il, était tout aussi légitime.

    Calvin estimait que pour les croyants, le mariage est un lien indissoluble et les conjoints liés par le mariage n’ont plus la liberté de changer d’avis et de partir voir ailleurs. Néanmoins, si un incroyant souhaite divorcer d’un conjoint à cause de la religion, le croyant n’est plus sous l’obligation conjugale. Dans un tel cas, « la partie incrédule divorce avec Dieu plutôt qu’avec son partenaire ».

    Comme Luther, Calvin considérait l’adultère comme la seule cause de divorce dans les enseignements de Jésus. Il croyait que Jésus a sanctionné le remariage comme adultère dans le contexte des divorces frivoles et injustifiés.  Le divorce dans les circonstances de l’adultère donne à la partie innocente la liberté de se remarier.

    Les confessions de Foi, les puritains et les revivalistes

    Les « Ordonnances ecclésiastiques » de Calvin, adoptées par les Conciles de 1561, admettaient trois motifs de divorce et de remariage autres que l’adultère : l’impuissance, l’incompatibilité religieuse extrême et l’abandon. Il prévoyait également l’annulation lorsqu’un époux ne pouvait, en raison d’une infirmité physique, accomplir l’acte conjugal.

    Confession de Westminster : « En cas d’adultère après le mariage, il est légal pour la partie innocente de demander le divorce et, après le divorce, d’en épouser une autre, comme si la partie fautive était décédée. »

    La Confession baptiste de Londres 1689, fait omission des sujets du divorce et de remariage dans son Article 25.

    John Knox a suivi Jean Calvin son mentor dans cette discussion. Dans son livre First Book of Discipline (1560), il insiste que rien, sauf l’adultère, ne devrait constituer la cause du divorce. Comme Calvin, il croyait que les magistrats civils devraient punir sérieusement les conjoints infidèles et même les exécuter comme aux temps de Moise. L’Eglise devrait excommunier de telles personnes et permettre à la partie innocente de se remarier.

    Tyndale était aussi progressiste. Dans la querelle historique du divorce du Roi Henri VIII, il a plaidé en sa faveur. Tyndale soutenait que le divorce était possible seulement en cas d’adultère. Puisque la Loi Mosaïque décrète déjà la mort du conjoint infidèle, ce dernier n’existe plus aux yeux de Dieu. La partie innocente est libre de se remarier. La désertion était aussi pour Tyndale une cause légitime du remariage car elle est liée invariablement à l’adultère.

    John Milton, le plus grand poète britannique a lui aussi écrit sur le divorce et le remariage en 1645. Il avait eu un mariage vraiment malheureux, qui se brisa peu après. Il croyait que le but du mariage est le bonheur et quand on ne l’est pas, sa raison d’être n’est plus. Son institution divine n’existe plus. Dans ses efforts de réconcilier les passages de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau testament ( comme dans Genèse 1 :27f. ; 2 :18, 23, 24 ; Deutéronome 24 :1f.) avec (Mathieu 5 :31f. ; 19 :3-11 ; et 1 Corinthiens 7 :10-16), il trouva que Jésus n’a jamais aboli la loi de l’Ancien Testament sur le divorce mais qu’il a condamné son application abusive. Il croyait également que le divorce ne devrait pas être recherché hâtivement mais que la réconciliation devrait être la priorité, et recherchée de tout cœur.

    Thomas Cramner était contre le divorce et le remariage, et ses vues étaient proches de l’Eglise catholique. Il a influencé la position de l’Eglise anglicane sur la question. Pour lui, si le mariage a été contracté de plein gré par les conjoints et selon les normes bibliques, il ne peut jamais être dissout tant que les conjoints demeurent en vie.

    John Wesley, le père du méthodisme avait une position proche de celle de l’Eglise Anglicane. Il n’acceptait pas que les violences physiques cruelles soient une raison légitime du divorce si ce n’est l’adultère uniquement. Et dans un tel cas, il disait qu’il n’a pas trouvé des raisons bibliques de refuser à la partie innocente le droit de se remarier.

     Les organisations reformées contemporaines sur le divorce et le remariage

    Qui n’est pas reconnaissant pour le ministère de John Piper et qui n’admire pas son enthousiasme et énergie quand il défend ses convictions ? Je fais partie de ceux qui auront toujours une dette de gratitude envers lui. Mais comme le titre d’un article de Gospel Coalition sur le divorce et le remariage l’indique John Piper n’est pas le Pape.[2] Il a joué un rôle si important pour populariser la position de la permanence du mariage à cause de sa crédibilité alors que presque toutes les organisations reformées ont un avis contraire. Il reconnait lui-même que son point de vue est minoritaire dans la tradition reformée.  Je citerais parmi tant d’autres : Banner of truth, Gospel Coalition, Grace to You, Sovereign Grace Ministries, Ligonnier Ministries. Toutes ces organisations adoptent le point de vue d’un divorce sous certaines conditions spéciales et par conséquent le remariage.

    Que faire ?

    Sans vouloir formuler bibliquement ma position, j’ai voulu soumettre devant mes lecteurs comment dans l’Histoire de l’Eglise, d’autres saints ont interagi avec ce problème éthique, afin que cela produise au moins trois effets judicieux :

  • Apprendre à tolérer ceux qui n’approchent pas la question comme nous,
  • Remettre en cause ce que l’on a traditionnellement hérité sans examen sérieux des Ecritures,
  • Entreprendre un voyage autant objectif que possible pour bâtir une conception biblique, et une approche tant pastorale que contextuelle sur la question du divorce et remariage.
  • [1] Je dois cet aperçu au document de  Trinity Evangelical Divinity School, datant de  1990 publié sur  https://theologicalstudies.org.uk/article_divorce_snuth.html

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    NIKIZA Jean-Apôtre est un Pasteur qui exerce son ministère depuis la ville de Bujumbura. Il est marié à Arielle T. NIKIZA et ensemble, ils sont pionniers du Mouvement des Hédonistes Chrétiens, Sa Bannière depuis 2015. Ils sont aussi co-fondateurs de Little Flock Ministries. La spiritualité chrétienne et le Renouveau spirituel de l’Eglise restent les grandes marques de leur appel commun. Les moments de loisirs de NIKIZA J-A incluent les films, la musique,le Basketball et un bon sommeil.

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