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Fabrice Nzeyimana : Décryptage du concert et parcours de l’artiste

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Après une longue absence de près d’une décennie, le couple Maya et Fabrice a signé hier soir son retour sur la scène gospel locale

06 Septembre 2025

Le couple Maya et Fabrice a signé hier soir son retour sur la scène gospel locale, après une longue absence de près d’une décennie, loin de la scène locale, hormis quelques apparitions sporadiques dans certains grands rendez-vous musicaux comme Burundi Himbaza. La soirée a été marquée par leur complicité artistique, et surtout la voix électrifiant de Maya dont on ne se lasse jamais. Leur prestation, à la fois intense et spirituelle, a su toucher le public par la sincérité et la profondeur de leur interprétation. Dans cet article je combinerai un décryptage du concert et un billet biographique de Fabrice Nzeyimana.

Un public enthousiaste mais parfois en retrait

Si l’énergie des deux artistes a été largement saluée, un contraste s’est fait sentir dans la participation du public. Contrairement aux concerts de Dudu, où les spectateurs reprennent spontanément les refrains connus de tous, certaines chansons du répertoire présenté par Maya et Fabrice étaient moins familières et encore peu intégrées par le public.

Le couple, concentré ces dernières années sur la scène de Kigali, n’a pas encore vu ses chansons largement diffusées auprès du public local. Cette distance a limité par moments l’élan collectif.

Néanmoins, Fabrice a montré son sens de l’adaptation en introduisant des chansons locales et familières, comblant ainsi le manque de familiarité du public avec une partie de son répertoire forgé à Kigali. Ce geste a permis de recréer une véritable communion.

Partage de scène : Appolinaire et Lopez

L’un des instants les plus marquants fut sans doute la présence sur scène d’Appolinaire Habonimana, véritable figure du gospel moderne burundais, mentor et source d’inspiration de Fabrice dès ses débuts. Leur partage de scène dans la chanson « Nabambanywe na Kristo, a pris des allures de passage de flambeau, symbolisant la continuité d’une vocation et un lien générationnel.

L’autre figure de la soirée était Pasteur Lopez, étoile montante du gospel et une figure qui s’est imposée  durant l’absence du couple. Leur collaboration bien que brève a pu sceller la rencontre entre deux générations d’artistes.

Le grand bémol de la soirée.

Ce bémol concerne les appels à l’estrade lancés par Fabrice. S’appuyant sur la teneur eschatologique de sa chanson Ivyizigiro, il a invité les personnes qui ne se sentaient “pas prêtes pour le ciel” à lever la main et à répéter la prière du pécheur.

On peut certainement y voir une belle dimension évangélistique. Néanmoins, cette pratique soulève des réserves d’ordre théologique. La méthode employée, héritée d’une tradition arminienne et décisionniste, repose sur l’idée qu’un simple acte de volonté immédiat — lever la main, avancer, répéter une prière — suffirait à valider l’expérience de la conversion. Or, cette vision, largement répandue dans certains cercles évangéliques, est de plus en plus critiquée.

Cette pratique tend à réduire la conversion à un rite ponctuel, au détriment d’un cheminement de repentance, de foi et de transformation durable. En ce sens, même si l’intention de Fabrice était sincère et évangélisatrice, la méthode employée reste marquée par une approche « vieille école » qui mérite d’être interrogée. Il était clair que la formulation de l’Évangile n’était pas explicite. Si la méthode appelle à être repensée à la lumière d’une théologie plus centrée sur la proclamation explicite de l’Évangile et le discipulat durable, son intention demeure noble : ouvrir un espace pour que les spectateurs deviennent croyants et commencent une nouvelle vie avec Christ.

La générosité de Maya et Fabrice

Il nous incombe d’exprimer gratitude pour un concert gratuit, mais à haut coût. Ceux qui étaient présents ont certainement constaté que c’était bien plus qu’un retour scénique mais un concert-anniversaire. Il fut à la fois un moment de mémoire — rappelant 20 ans de service à travers Heavenly Melodies — et un signe d’avenir.

Ce concert marquait non seulement les 20 ans de son ministère Heavenly Melodies mais aussi son 42ᵉ anniversaire. En choisissant d’offrir ce concert gratuitement, il a voulu transformer sa célébration personnelle en un acte de reconnaissance publique. Dans un contexte où la précarité marque la vie quotidienne de nombreux burundais, cette gratuité a été perçue comme un geste de grande générosité et de proximité avec leur public.

Ce double jalon-âge de maturité et longévité ministérielle, a donné au concert une profondeur particulière. On pouvait voir que le couple a assagi avec le temps. Ceci nous amène a terminé cet article par un billet biographique

Qui est Fabrice et quel fut son parcours ministeriel?

Fabrice Nzeyimana est né le 5 septembre 1983, en province de Muyinga, où il passe les toutes premières années de son enfance. Son père ayant milité aux côtés du prince Louis Rwagasore, il hérite d’un patriotisme discret mais assumé, qui imprègne subtilement son œuvre artistique.

Premiers pas : de la foi à la musique

Sa conversion personnelle en 9e année secondaire marque un tournant. Il s’engage dans l'Église de tendance pentecôtiste, Trinité Internationale, appelée communément  Kwa Kayungiro, un lieu qui devient rapidement le berceau de son ministère. A la fin des années 90 quand Apollinaire sort son premier album, et comme nous tous, Fabrice tombe sous le charme de l’apôtre du mouvement de praise and worship au Burundi dont il sera parmi les premiers disciples.

Alors que Appolinaire et Shemeza dominent la scène musicale à Bujumbura aux débuts des années 2000, Fabrice se façonne doucement mais courageusement.  Si Appolinaire Habonimana reste  une figure pionnière du gospel burundais moderne, Fabrice se construit et se nourrit des sonorités internationales de Hillsong, Don Moen et autres artistes anglophones pour émerger progressivement avec un son unique.

Si ses capacités vocales restent modestes, c’est son sens aigu de l’arrangement musical, son don de visionnaire et de leadership, son charisme rassembleur et son acharnement  qui le distinguent. Il fonde Douce Présence Music, qui deviendra Heavenly Melodies. En 2005, Fabrice sort son premier album, fruit d’un long processus de travail local et, sans moyens techniques sophistiqués. Contrairement à Appolinaire qui s’appuie sur des producteurs renommés comme  Aaron Tunga,  Fabrice fait avec ce qu’il a. Malgré tout, il réussit à toucher une audience jeune, urbaine et spirituellement avide, notamment dans la classe moyenne de Bujumbura.

Une rencontre déterminante : Maya

En 2011, Fabrice fait une rencontre qui va bouleverser son ministère : Mayake Lamberte, dite Maya, une chanteuse burundaise talentueuse, une vocaliste accomplie,  qui avait évolué en Zambie. En 2014, elle devient son épouse et sa principale alliée dans le ministère, insufflant une nouvelle dynamique à Heavenly Melodies.

A peine mariés, le pays traverse l’instabilité de 2015, le couple s’installe à Kigali, croyant à un appel divin pour étendre leur mission au-delà des frontières. Ce déménagement marque le début d’une nouvelle ère, plus visionnaire : HM Africa

Installé à Kigali, Fabrice organise une conférence annuelle Overflow qui rassemble artistes, pasteurs et leaders chrétiens du Burundi, du Rwanda et d’autres pays de la sous region. Au cœur de cette initiative se trouvait un appel à l’unité du corps de Christ.

Wavelab, son studio, et la révolution sonore

Quand Fabrice rachète WaveLab Studio, il devient producteur à part entière. On le voit explorer des sonorités électroniques, donnant naissance à des titres comme “Mana Muremyi”, qui devient un succès viral avec plus d’un million de vues sur YouTube.

Je sais que ce changement de style a suscité quelques polémiques parmi ceux qui le connaissent. Mais il est possible d’appréhender cette percée numérique comme quelque chose qui a consolidé son image d’artiste gospel capable de se métamorphoser, tout en l’affirmant comme un producteur capable de moderniser le gospel sans en diluer la profondeur.

Transformation : l’album de la maturité

Néanmoins L’album Transformation sorti l’an dernier marque un tournant dans sa carrière. On y découvre un style tradi-moderne, mêlant rythmes africains, synthétiseurs modernes et paroles théologiquement plus denses. Le titre “Ganza” qui approche un demi millions de vues en est un parfait exemple : un chant de victoire enraciné bibliquement sans sombrer dans le triomphalisme superficiel. Dans cet album on y voit aussi le Fabrice qui poursuit son rêvé d’HM Africa, mélangeant des langues en vue d’atteindre un maximum d’auditeurs de la sous-région. Réussira-t-il à faire d’HM un ministère réellement de portée internationale? En tout cas, jusqu’à maintenant ses chansons en Swahili n’ont pas produit un feedback extraordinaire. Mais qui sait ?

Les lyrics qui ne manquent pas la cible

On ne peut pas parler du parcours de Fabrice Nzeyimana, sans parler de la profondeur de son évolution doctrinale. À ses débuts, il flirte avec le mouvement de la prospérité et de la parole de Foi, tandis que son épouse Maya était jadis marquée par les enseignements du courant hyper-grâce, popularisé par Joseph Prince.

Mais avec le temps, une formation théologique sérieuse a transformé  leur manière d’écrire et de concevoir la musique. Sans adopter une identité “réformée” au sens strict, leurs compositions deviennent plus équilibrées, plus bibliques, plus christocentriques.

Ombres au tableau : projets inachevés et rendez-vous manqués

Même si le ministère de Fabrice Nzeyimana est remarquable à bien des égards, il reste marqué par quelques projets prometteurs qui n'ont pas abouti. Ce sont des initiatives qui, si elles avaient été concrétisées, auraient pu enrichir durablement l’édification du corps de Christ dans la région.

Pensons par exemple aux reprises de vieux cantiques traditionnels, amorcées avec Maya. Ce projet aurait permis de reconnecter une nouvelle génération à l’héritage musical de l’Église, et de contrebalancer la superficialité d’une partie du gospel contemporain “hype”.

Un autre projet ambitieux, resté inachevé, concernait la production d’une Bible audio en kirundi, qui avait un potentiel d’un outil d’évangélisation et de formation biblique accessible. Fabrice avait également entamé une série d’enseignements critiques sur l’Évangile de la prospérité, sujet qu’il connaît bien pour l’avoir approché à ses débuts. La série, rapidement controversée, n’a pas été poursuivie. Cela témoigne à la fois d’un courage d’aborder des questions sensibles, mais aussi d’une certaine hésitation à aller jusqu’au bout.

Enfin, l’un des rendez-vous les plus manqués concerne l’émergence de jeunes artistes. Cet aspect touche à un point très sensible mais essentiel : la transmission intergénérationnelle et la responsabilité de bâtir une relève.

Fabrice avait annoncé vouloir ouvrir les portes de son studio Wavelab à une génération montante, pour les aider à produire et se former. Mais malgré plusieurs promesses, peu d’initiatives concrètes ont été mises en place. Devrions-nous blâmer un perfectionnisme ou une centralisation autour de sa propre vision, je ne saurai le dire.

Conclusion

Le parcours de Fabrice Nzeyimana est celui d’un bâtisseur lent mais constant, qui bien que tâtonnant au début, a fini par choisir la fidélité biblique à l’effet de mode, et peu à peu, passé de l’émotionnel vers le scripturaire, démontrant qu’on peut évoluer, corriger et apprendre. Pour moi, il reste, le disciple d’Apollinaire le mieux équilibré théologiquement. Que Dieu nous les garde et se serve d’eux pour encore des décennies à venir.

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NIKIZA Jean-Apôtre est né de nouveau en 1997 et appelé au ministère en 2005. Il est pasteur, enseignant, conférencier et écrivain. Il est fondateur du blog Sa Bannière depuis 2018, du mouvement biblique Green Pastures depuis 2015 et co-fondateur de Little Flock Ministries. Il est passionné par la spiritualité chrétienne et le renouveau de l’Eglise. Marié à Arielle Trésor NIKIZA, ensemble ils sont pionniers du mouvement des Hédonistes chrétiens au Burundi. Ils ont deux enfants : NIKIZA Thaïs Garden et REMESHA Nik-Deuel Trésor. NIKIZA Jean-Apôtre est aussi connu pour être un lecteur assidu des livres. Les grandes influences qui ont façonné sa vie et le ministère sont: Martyn Lloyd Jones, John Piper et A.W Tozer. Ses passe-temps sont : la musique, le basketball, les films et un bon sommeil.

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