Trajan : « Est-ce que moi, votre empereur, suis-je fou de croire en ces dieux dont nous bénéficions la protection pour combattre les Daces ?

Ignace : Vous vous trompez, empereur ! Il n’y a qu’un seul Dieu qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve. Et un seul Jésus Christ, le Fils unique de Dieu. »

Trajan : Oh, oui, ce Jésus … vous voulez dire le Jésus qui a été crucifié sous notre procurateur Ponce Pilate ?

Ignace : Je veux dire celui qui a crucifié le péché avec son Inventeur, Empereur, et toute la tromperie et la malice du diable. Il les a mises sous les pieds de ceux qui Le portent dans leurs cœurs. C’est le Jésus dont je parle.

Trajan : Vous portez Jésus dans votre cœur ! dit Trajan, avec un sourire sarcastique. Puis se penchant en avant il dit : Ainsi vous dites que vous portez en vous ce Jésus qui a été crucifié. Ce n’est pas possible ! Comment peux-tu porter un dieu en toi ? L’empereur se leva et désigna la statue de marbre de Justitia (Justice) « Je ne peux pas prendre cette statue de Justitia et la fourrer en moi ! J’en ai assez entendu. »

Trajan se tourna vers le scribe. « J’ordonne à Ignace qui dit qu’il porte en lui ce Jésus qui selon nos actes a été crucifié, mort et enseveli, j’ordonne qu’il soit lié par des soldats, porté à la grande Rome, et y soit dévoré par les bêtes pour la satisfaction du peuple de Rome. Sortez-le d’ici ! »

Alors qu’Ignace était emporté par les soldats, il s’écria : « Je te rends grâce, Seigneur, de m’avoir honoré d’un amour parfait envers toi et que je serai lié de ces chaînes comme ton apôtre Paul. »

Ignace, l’évêque chrétien d’Antioche en Syrie, fut mis en pièces par des lions dans le Colisée sous l’approbation et l’applaudissement de 87 000 Romains.[1]

Qui était Ignace d’Antioche

Ignace fut le bishop d’Antioche en Syrie, une des provinces romaines où le christianisme était très solide. C’est là que les disciples de Jésus furent appelés pour la première fois « chrétiens ». Peu de choses sont connues de la vie personnelle d’Ignace mais on sait qu’il devint le second bishop (certains disent le troisième) de l’Eglise d’Antioche. Il est né autour de 35 et certains pensent qu’il serait mort en 110 d’autres disent en 135.

Les autres Pères de l’Eglise comme Irénée et Origène le mentionnent dans leurs écrits et confirment les faits que nous savons sur lui. Ignace est mort en martyr et il savait qu’il allait être martyr quand il a écrit les lettres que nous avons de lui. Il les a écrites sur le chemin d’Antioche vers Rome aux différentes églises. Nous avons 7 de ses lettres : L’Épître aux Éphésiens ; L’Épître aux Magnésiens ; L’Épître aux Tralliens ; L’Épître aux Romains ; L’Épître aux Philadelphiens ; L’Épître aux Smyrnes ; L’épître à Polycarpe, évêque de Smyrne.

Bien que peu d’information soit connue de lui, il était sans doute très connu, vu que sur son chemin vers Rome, il était accueilli et servi par tous les chrétiens.

Un évêque obsédé par la mort en martyr

Ignace est un exemple frappant d’intrépidité et de courage extraordinaire devant le problème de la souffrance. Quand les chrétiens de Rome commençaient à s’organiser pour le faire fuir,  Il refusa.

Je crains que votre bonté puisse me nuire … Vous pourrez peut-être réaliser ce que vous projetez. Mais si vous ne prêtez pas attention à ma demande, il me sera très difficile d’atteindre mon but : Imiter notre Dieu Jésus Christ, dans la mort …  Si vous vous taisez à mon sujet, je deviendrai une parole de Dieu. Mais si vous vous laissez influencer par l’amour dans lequel vous tenez ma chair, je ne serai plus qu’une voix humaine.

Ignace allait mourir. Il le savait. Il le voulait. Le seul problème possible, selon lui, était l’ingérence des chrétiens. Quand il fut clair qu’il allait mourir il en était tressailli. Certains se demandent s’il n’est pas allé trop loin dans sa fixation excessive du martyr. Il écrivit:

Puisse-je jouir des bêtes sauvages qui sont préparées pour moi; et je prie pour qu’ils soient trouvés désireux de se précipiter sur moi, que je tenterai aussi de me dévorer rapidement, et de ne pas me traiter comme avec certains, que, par peur, ils n’ont pas touchés. Mais s’ils ne veulent pas m’attaquer, je les forcerai à le faire. Pardonnez-moi [en ceci] : je sais ce qui est à mon avantage. Maintenant, je commence à être un disciple. Et que personne, des choses visibles ou invisibles, ne m’envie d’atteindre Jésus-Christ. Laissez le feu et la croix; laissez les foules de bêtes féroces; laissez les déchirures, brisures et dislocations d’os; laisser couper des membres ; laisse éclater tout le corps; et que tous les tourments affreux du diable s’abattent sur moi : seulement que j’atteigne Jésus-Christ. Épître aux Romains, chapitre 5

Ignace dans ses épitres

Un dirigeant de sa stature qui est enchainé et emmené en toute connaissance de cause à Rome pour être nourri aux bêtes sauvages, ses écrits doivent être pris au sérieux et ses préoccupations considérées avec poids. Certains spécialistes modernes remettent en cause l’authenticité de ces épitres, mais les recherches de Lightfoot n’ont jamais été surpassées et continuent à dominer le point de vue général des Evangéliques sur la question. [2]

Ignace d’Antioche aimait l’Eglise et se souciait de Sa stabilité. Et pour cette fin, la saine doctrine et un leadership fort sont nécessaires. Ses épitres révèlent ces deux préoccupations.

Préoccupation doctrinale

Ses écrits montrent que l’Eglise faisait face aux hérésies christologiques. Une de ces hérésies était le docétisme qui refuse à Christ l’humanité. Vous vous souvenez que l’apôtre Jean en avait parlé dans sa première épitre. Ignace écrit contre l’hérésie du docétisme, qui était l’enseignement que le corps du Christ n’était pas humain, mais soit un fantasme, soit une substance réelle mais céleste, et que par conséquent ses souffrances n’étaient qu’apparentes. Ignace y objecte , « Il y a un seul Médecin, qui est à la fois chair et Esprit, né et non né, qui est Dieu dans l’homme, vraie vie dans la mort, de Marie et de Dieu, d’abord capable de souffrir et ensuite incapable de souffrir, Jésus-Christ notre Seigneur. »  (Lettre aux Ephésiens 7:2)

« Il a subi toutes ces souffrances pour nous, afin que nous soyons sauvés ; et il a vraiment souffert, tout comme il s’est vraiment élevé, non comme le prétendent certains incroyants, quand ils disent que sa passion n’était qu’apparente. Ce sont eux qui n’existent qu’en apparence ; et comme leur idée, ainsi leur arrivera-t-il : ils seront des formes sans corps et fantomatiques. Je sais et je crois qu’il était dans la chair même après la résurrection. Et quand il vint vers ceux qui étaient avec Pierre, il leur dit :   ‘Ici, maintenant, touchez-moi et voyez que je ne suis pas un fantôme sans corps.’ Aussitôt ils le touchèrent et, à cause de la fusion de sa chair et de son esprit, ils crurent. Pour la même raison, ils méprisaient la mort et se sont en fait révélés supérieurs à la mort. Après sa résurrection, il a mangé et bu avec eux comme un être de chair, bien qu’il ait été uni en esprit au Père. »  Épître aux Smyrne 2:1-3

Préoccupation ecclésiastique

Ignace savait que l’office d’évêque, si elle est proprement respectée, assurerait la stabilité de l’Eglise. Il écrit alors abondamment sur l’organisation ecclésiastique de l’église locale. Avec son épitre, on commence à discerner la montée d’un leadership épiscopal monarchique, où un évêque agit comme un senior au-dessus des autres évêques. A l’Eglise de Smyrne où Polycarpe est évêque, il écrivit pour renforcer l’autorité de l’évêque, “Vous tous, suivez l’Evêque, comme Jésus Christ suivait Son Père. Que l’Eglise soit là où l’Evêque est, car là où Christ est, il y a l’Eglise universelle. » (Il devint le premier à utiliser cette expression pour désigner le Corps de Christ dans le monde. Avec son épitre, on réalise un développement rapide d’un leadership hiérarchique de l’Eglise et loin d’affirmer qu’il s’agit d’un modèle idéal pour toutes les églises, il a servi pour stabiliser l’Eglise en temps d’intenses persécutions et hérésies.

Application

On n’avait jamais vu autant d’engouement pour l’office de bishop/évêque/pasteur comme aujourd’hui. C’est parce que souvent ce titre est associé au prestige et facilité.  Néanmoins,  Il est important de noter qu’à cette époque-là, être un dirigeant d’église n’était pas un travail confortable. Et Ignace en était le parfait exemple. En tant qu’évêque, il était en première ligne pendant la persécution et une cible de choix pour l’exécution. Les dirigeants de l’Église se sont sacrifiés pour leur foi en Christ, souvent de leur propre vie.

Que Dieu suscite encore des dirigeants comme Ignace pour cette Eglise des derniers temps qui bientôt va passer par la Grande Tribulation. Il y a au moins deux choses que le Diable a fait anticipativement pour que l’Eglise se retrouve très mal préparée aux tribulations qui précèderont directement la seconde venue de Jésus : rendre populaire le faux Evangile de la Prospérité qui minimise la question des souffrances ainsi qu’une position eschatologique d’un Enlèvement pré-tribulation qui enseigne que Jésus aime tellement son Epouse qu’Il la ravira juste avant que l’heure de la grande tribulation ne sonne.

Dernièrement, j’ai tellement apprécié la peine qu’Ignace se donne d’encourager un autre dirigeant, Polycarpe de Smyrne, sur le chemin de son exécution. Il lui écrivit « Devenez plus diligent que vous ne l’êtes. Observez bien les temps mais cherchez Celui qui est au-dessus des saisons, Celui qui est intemporel ; invisible, pourtant est devenu visible pour nous ; Celui qui ne peut être touché ; qui ne peut pas souffrir, et pourtant a accepté la souffrance pour nous, et a tout enduré à cause de nous (Lettre à Polycarpe 3 :2). Une solidarité devenue rare ces temps !

Alors que je traversais une phase difficile dans mon appel, j’ai eu un profond besoin d’encouragement en vain. Quelle joie, quand un autre leader, qui lui aussi traversait une période très difficile m’a envoyé un message bien réfléchi et plein de sollicitude. On n’oublie pas facilement de telles personnes. Que Dieu nous aide à devenir des instruments d’encouragement pour les autres même quand nous traversons nous-mêmes des périodes aussi sombres qu’eux.

[1] L’Extrait du  procès d’Ignace est tiré presque textuellement de l’ancien manuscrit Martirium Colbertinum alias Le Martyre d’Ignace

[2] Les épitres d’Ignace peuvent être lues ici