Cette conception est sans doute l’un « des effets secondaires » d’une culture de compétition. Dans notre société moderne, pour apprécier quelqu’un, il doit être au sommet ou être parmi les meilleurs, ou encore être mort à titre posthume. Cette compétition nous empêche d’apprécier les autres. La course pour mériter la valeur et l’honneur voile nos yeux ; et nous cache ainsi la beauté des « étoiles de la matinée ». Des « étoiles » pointeurs des grands bouleversements.

Cet article est dédié à quelqu’un. Mais cette dédicace n’insinue pas que la personne en question soit au sommet. Il n’est pas un professeur de la théologie systématique à Cambridge. Il n’est pas un expert du Nouveau Testament comme Don Carson. Il n’est pas non plus un expert dans l’arrière-plan de la bible comme Craig Keener. A contrario, il est un pasteur modeste, d’une église débutante, avec quelques dizaines de personnes. Il a fait des études modestes de théologie et poursuit encore ses études. C’est quelqu’un qui a toujours donné son meilleur à la jeunesse de cette ville. C’est quelqu’un qui n’a jamais eu peur de se sacrifier pour la jeunesse du Bujumbura.

Il est le fondateur du mouvement des hédonistes chrétiens au Burundi, du blog chrétien http://sabanniere.com/, du programme de lecture biblique pendant une année connu sous l’appellation de « Green Pastures » ainsi que d’autres programmes visant à améliorer la vie spirituelle de l’Eglise au Burundi. Vous avez sans doute deviné, il s’agit de Jean-Apôtre NIKIZA.

Qui est-il ?

C’est un 18 Novembre 1983 que Nikiza est né. Il est le troisième enfant d’une fratrie de dix. Apôtre, son deuxième prénom et non un titre, a passé les premières années de son enfance à Kamenge, un quartier très modeste au nord de la ville de Bujumbura.

A l’âge de 6 mois, son père a posé un acte que les charismatiques qualifieraient de « prophétique », en donnant son fils à l’église comme offrande. Cet acte façonnera t- il plus tard l’avenir de l’enfant ? Je ne saurais le dire !

Mais très tôt, à l’âge de 3 ou 4 ans, Apôtre a commencé à manifester un comportement dévotionnel. Il a même inquiété sa mère lorsqu’ il s’est enfermé dans une chambre de prière en possession d’une Bible et d’un livre de cantique, alors qu’il ne savait pas encore lire.

Quelques années plus tard, il s’est encore une fois enfermé dans la maison et y passa trois jours. Durant ce beau rendez-vous avec Dieu, sa chère maman lui a apporté de la nourriture, mais il a refusé d’en prendre. Et ce n’était que le début, car il sera plus tard surnommé « Maombi » qui signifie « prière » ; une preuve que la prière était devenue un mode de vie pour lui.

Dès son enfance, il manifesta des capacités intellectuelles avancées pour son âge. Il sera plus intéressé par les lettres même s’il s’en sortait tout de même en sciences. Il était très remarquable, car c’était ce genre de personne qui pouvait expliquer la philosophie de la classe terminale, alors qu’il n’était qu’en 3è lettres modernes. C’est sûr que Dieu usera de ces capacités pour lui permettre de comprendre les écrits des grands cerveaux comme C. S Lewis, Karl Barth, John Stott, Dr Martyn L. Jones, John Piper, A.W Tozer… ; ainsi que quelques écrits de la théologie systématique.

Son parcours dans le ministère

Il n’a pas toujours été en compagnie des grands théologiens comme Jonathan Edwards, Richard Forster, Richard Baxter, ou Tozer. Je me souviens qu’il m’a fait un cadeau d’un livre de Derek Prince lorsque j’allais faire mes études à Ngozi au Nord du Burundi. Mais une chose est sûre : Il passait le plus de son temps dans la lecture. Bien que la musique ait toujours été une de ses hobbies, Il avait toujours à ses côtés un livre à dévorer. Pour lui, lire n’a jamais été une corvée.

Cet engouement pour la lecture fut accentué lorsqu’il rencontra par la providence de Dieu, dirais-je, un Diacre de l’église vivante de Mutakura nommé Silas Nkurunziza. Ce dernier influença le jeune adolescent et l’aida ainsi à avoir une passion très poussée pour la lecture. Très vite, il explora les écrits des autres religions comme l’Islam, les témoins de Jéhovah, les livres des mormons, etc. On raconte que l’une des bêtises qu’il a faites était de s’être absenté à l’école pour pouvoir lire quelques bouquins à l’Institut Français de Bujumbura, IFB.

Parmi ses initiatives, on peut compter un ministère de chant connu sous le nom de « Glory Sound Worship Ministry » qu’il a initié même si le groupe n’a pas fait long feu. Sa passion de transmettre la parole de Dieu était plus forte que lui. Il avait toujours un feu pour le ministère d’enseignement, même si sa passion pour la musique était brulante. C’est impressionnant de voir que lui et Teddy Rugero, l’un de ses meilleurs amis depuis l’enfance, ont acheté la version Thomson de la Bible pour 63 milles francs Burundais. C’était en 2002 ou 2003, et la somme était colossale pour des jeunes comme eux venant de familles modestes.

Cette passion pour la lecture et le ministère d’enseignement avait, sans nul doute, besoin d’un cadre plus au moins structuré. C’est ainsi qu’en 2007, Il sera admis dans une institution théologique en Ouganda. Cependant, suite à des conflits avec son église locale ici à Bujumbura, Apôtre sera obligé de rentrer à la maison. Au milieu de ce tourbillon, c’est là qu’il a rencontré un professeur à l’Université PTI, actuellement Pasteur de l’église Pilgrim’s Chapel: Florentin Mpundu, qui sera plus tard un de ses grand amis.

Même s’il avait eu comme Mentor Emmanuel Ndikumana, un des grands cerveaux qui était à l’époque le Recteur de l’Université PTI, il est clair qu’Apôtre sera plus proche de Mpundu que de n’importe qui d’autre. L’influence que ce gradué de « Fuller theological Seminary » exerça sur Apôtre était sans précédent. Il est fort probable que c’est pendant cette période qu’il embrassa la théologie réformée dont il a fait connaissance (dans les livres) avec quelques grands cerveaux de la théologie réformée comme R. c. Sproul. Je me rappelle qu’il m’a raconté que Mpundu lui a un jour donné quelques vidéos de R. C. Sproul sur la théologie systématique. En tous cas, la fréquentation de PTI, et la relation d’amitié avec Mpundu, l’un des grands cerveaux de l’aile reformée au Burundi, lui a permis de cadrer le potentiel qu’il avait acquis au fil des années. Sans cette amitié, il se pourrait qu’Apôtre n’aurait jamais été aussi imbibé dans la théologie réformée tel qu’il est aujourd’hui.

C’est sans doute le bagage théologique qu’il avait acquis au fil du temps, qui l’empêcha de suivre son professeur et ami dans toutes ses positions doctrinales. Il gardera ainsi sa position de la continuité des dons de l’esprit malgré l’air cessationiste qui saturait son entourage. C’est peut-être suite à ces divergences théologiques que les grands amis finirent par se séparer. Seulement, cela fait mal de voir que ces divergences risquent de fragiliser l’aile reformée qui vient juste de naitre. Peut-être que le contraire aurait plus aidé la jeune génération des théologiens, en particulier, et l’Eglise en général.

Après Mpundu, Apôtre et sa charmante épouse Arielle commencèrent directement une succession de retraites organisées par le mouvement des hédonistes Chrétiens dont ils sont eux-mêmes fondateurs. Dans ces rencontres, l’hédonisme chrétien était souligné et John Piper était leur principale source. Cette période sera suivie par une succession d’événements organisés par le mouvement des hédonistes Chrétiens qui sera plus tard nommé « Sa bannière ».

Apôtre est l’un des grands innovateurs que je connais. Il ne peut pas vivre sans innover. Dans une période de 4 ans, son mouvement Sa bannière a mis au point plus de dix activités : Conférences, Festin d’adoration, Crazy love dinner, Reading club, Abaka experience, Weekly Bread, Green Pastures, Selah Hymnody, Sa bannière Media, vendredis missionnaires, les émissions sur Héritage Tv.

En plus des activités organisées au sein du mouvement, lui et sa femme ont commencé une branche de l’église APCG-BU connu sous le nom de Little Flock Church. On peut diverger sur sa façon de faire les choses, mais on ne peut ne pas remarquer le cœur qui est derrière cet hyper activisme. On ne peut pas louper cette passion pour Christ et Son corps. Il faut que quelqu’un soit aveugle pour ne pas voir la compassion, l’amour, la patience, l’espérance, la colère contre le mal, la jalousie pour les perdus derrière ses entreprises.

Il s’accroche fermement à ses amis pour les aider. Il s’accroche à la manière d’une ombre. Mais il est néanmoins plus actif qu’une ombre. Il les empêche de respirer comme une personne hystérique pour leur permettre enfin de respirer de l’air oxygéné, de l’air pur. J’ai appris avec le temps que le plus dur des équations n’est pas une équation trigonométrique, mais savoir comment se débarrasser de lui. Cette équation est plus dure parce que toutes les données ne sont jamais disponibles. Il y a toujours la présence d’une main invisible avec lui. Une main de passion pour la gloire de Dieu et la joie de ses amis.

C’est exactement cette énergie ancrée dans l’amour pour Christ et Son corps qui fait que chacune de ses relations soit particulière. Ses relations peuvent être dures, mais elles en valent la peine. Elles peuvent être saignantes mais elles donnent de la vie. Elles peuvent provoquer de la phobie, mais elles guérissent le narcissisme.

Ses choix théologiques

Il aime dire que son ministère est étrangement réformé. A part qu’il est une personne naturellement tournée vers les controverses, il n’aime pas être enfermé dans un système de pensées. Il se laisse être en contact avec les grands cerveaux venant des différentes traditions. Tu seras surpris de voir qu’il reflète en partie quelque chose de John Stott ou de John Piper, alors que ces deux grands cerveaux de tous les temps divergent sur le ministère féminin et la continuation des dons spirituels.

Même s’il a suivi John Stott sur sa position « soft complementarian », il est très séduit par l’hédonisme Chrétien de John Piper. Même s’il n’a pas épousé le côté cessationiste de John Stott, les sermons de ce dernier ont eu beaucoup d’influence sur lui.

Il a fini par prendre quelques positions sur la continuité des dons spirituels et le ministère féminin qui dévient de la tradition réformée telle qu’elle nous est transmise par Jean Calvin. Cela risque de lui coûter très cher. Il risque d’être un enfant illégitime de l’aile réformée au Burundi. Peut-être que cette pression serait une occasion en or pour lui de vérifier encore et encore si ses choix doctrinaux sont en parfaite harmonie avec tout le conseil de Dieu.

Avis personnel

Il est vrai que je ne partage pas toujours ses choix théologiques, mais pour quelqu’un qui est objectif, les choix d’Apôtre peuvent être compris dans les limites de l’orthodoxie. Ses positions sont aussi épousées par les grands leaders du monde évangélique. Par exemple, sa position sur le ministère des femmes est aussi épousée par John Stott, ou alors sa position sur les dons spirituels est épousée par les réformés les plus influents de notre époque comme John Piper, Wayne Grudem, Sam Storm, Don Carson, etc. Je me demande si nous les regardons aussi comme étant en dehors des limites de l’orthodoxie.

Sans toutefois être d’accord avec lui, je crois qu’il nous faut apprécier ce don précieux qu’il est pour notre chère nation. Sa contribution pour l’avancement de l’évangile a été remarquable. Et nous ne devrions pas nous comparer à lui avant d’apprécier. Alors qu’il organisait des activités très modestes, Apôtre a crié haut et fort pour que les Burundais sachent qu’ils sont une proie à un faux évangile. Par son don de mobilisation, il a ouvert les yeux des chrétiens à la théologie réformée. Nous devrions apprécier et remercier Dieu pour tout ce qu’il est. Apprécier son grand cœur, plein d’amour, de compassion, de passion pour les perdus, et son amour pour la sainteté. Sachant aussi qu’il lui arrive souvent de se fâcher tout rouge, nous ne devrions pas nous lasser de le conseiller ou d’être patient avec et envers lui.