Mais qui est ce fameux professeur dont les hommages remplissent en ce moment toute la blogosphère théologique et chrétienne ? Qui est ce James Innel Packer que le monde évangélique adule tant ? Et quelle a été son parcours providentiel, son impact, les grands moments qui façonnèrent sa vie et sa théologie ? Que pouvons-nous apprendre de son héritage en tant qu’Evangéliques burundais ?

Jim, comme il préférait se faire nommer, est né en 1926, dans un village très modeste au Sud-Ouest de l’Angleterre, Gloucester. Par providence divine, ses parents sont parvenus à lui obtenir une bourse à la prestigieuse école d’Oxford en 1948. C’est là qu’il fera toute son éducation du bachelier au docteur en philosophie. Il fera ses études théologiques à Wycliffe Hall et sera ordonné diacre, puis prêtre dans l’Eglise anglicane. Il fut même un curé pendant quelques années à Birmingham. Il sera aussi bibliothécaire, professeur, doyen des études dans différentes écoles théologiques en Angleterre avant d’aller au Canada, où il vient de mourir en tant que professeur de théologie du Governor’s Board au Regent College.

Bien que quelques burundais ont déjà à peine lu son bestseller « Connaitre Dieu sur les attributs de Dieu », « Keep in Step with the Spirit » sur le Saint Esprit et son rôle dans la sanctification, « Quest for godliness » sur les puritains, il n’empêche que la liste des publications du Professeur dépasse l‘imagination. J’ai personnellement été ébloui par plusieurs de ses essais académiques ces dernières années. Au milieu de cette hyper activité littéraire touchant virtuellement sur tous les sujets, Jim considérait comme étant son plus grand projet d’écriture : la traduction de ESV (English Standard Version) de la bible dont il était l’éditeur général, et ESV Study Bible dont il fut le principal éditeur théologique. Ce dernier demeure ma bible d’étude favorite depuis ces sept dernières années.

Avant d’aller plus loin, j’aimerais revenir sur quelques influences et expériences qui façonnèrent et marquèrent sa vie. Bien sûr, l’éducation solide d’Oxford lui laissa des marques sur un cerveau déjà très stimulé intellectuellement. A l’âge de sept ans, un dur de l’école le pourchassa et Jim s’enfuit au-delà de la cour ou un camion le heurta gravement.  Son os frontal droit fut sévèrement touché et on craignit de graves dommages du cerveau. Mais au lieu de cela, il en sortit avec un cerveau beaucoup trop éveillé. Les parents remarquèrent cette intelligence précoce et à son onzième anniversaire, à la place du vélo que le petit Jim avait demandé, on lui acheta une machine dactylographe. L’humble professeur ne se servira de l’ordinateur moderne toute sa vie.

Ses parents étaient anglicans nominaux et Jim grandit dans une atmosphère familiale d’apparence chrétienne mais sans substance. Mais à peine arrivé à Oxford, sa vie fut radicalement changée, d’abord par l’influence de C.S Lewis qui enseignait à la même école. Et puis décisivement, dans une réunion du groupe biblique, il mit sa foi en Jésus Christ pour le salut.  Il n’attendra pas longtemps car l’année suivante, il commença des études théologiques parallèlement.

A son arrivée à Londres, Jim allait régulièrement tous les dimanches avant midi écouter John Stott dans le quartier de Langham ; puis les soirs, il allait à Westminster pour écouter le Dr Martyn Lloyd Jones … Quelle belle dose ! Peu de gens ignorent l’influence que Martyn Lloyd Jones eut sur JI Packer. Le professeur considèrera toute sa vie D.L Jones comme le plus grand homme de Dieu qu’il n’ait jamais rencontré. Il appréciait la façon du docteur de traiter les textes bibliques très méthodiquement, très lentement et très efficacement.

Mais sans tarder, il découvrît en lui une autre passion commune : Les Puritains. Pendant presque 15 ans, les deux hommes animeront la conférence des puritains. Les deux hommes seront les instruments du ciel pour ramener au public évangélique le riche héritage puritain. Si le réveil est le thème dominant du Docteur Martyn Lloyd Jones, Packer fit sa dissertation sur Richard Baxter ; et toute sa vie, la passion pour la doctrine de la sanctification, sera centrale à ses écrits et ministère. Cette doctrine sera profondément enracinée dans une sotériologie calviniste et la tradition historique des Puritains.

Une partie importante de la vie de JI Packer survint quand il décida de partir s’installer au Canada. Quelles raisons poussèrent Jim et sa Kitty de quitter leur pays bien-aimé ? Certains spéculent que l’Angleterre évangélique était devenue beaucoup hostile au professeur. Jim n’était pas par tempérament un homme de controverse, il croyait que dans certains cas quand la nécessité s’impose, à long terme cela finit par nuire à l’âme. Néanmoins, un cerveau de son calibre n’allait pas manquer de susciter des controverses. D’abord, son amitié avec Dr Martyn fut brutalement interrompue quand le docteur demanda aux ministres anglicans de quitter cette Eglise car le libéralisme théologique et relativisme morale s’y étaient infiltrés. Jim et Stott croyait plutôt qu’il fallait la réformer de l’intérieur. Jim eut aussi l’audace choquante d’entreprendre le projet d’une Eglise anglicane unifiée avec des théologiens catholiques qui n’adhérait pas aux Cinq Solas de la réforme. Puis vint sa fameuse signature de ECT (Evangéliques et Catholiques ensemble). Cela lui fit perdre même les amitiés de RC Sproul et Macarthur.

Son parcours au Canada débuta en se joignant au Regent College où Il fut nommé en 1989 Sangwoo You Tong Chee. C’était un titre que Regent avait créé en l’honneur d’un homme d’affaires et éducateur chrétien de Hong Kong. On accordait ce poste à un homme qui a prouvé sa spécialisation en théologie de la Réforme. Quelqu’un qui est un excellent professeur, chercheur et écrivain éminent. JI Packer fut premier occupant de ce poste jusqu’en 1999 quand il devint professeur de théologie du Governor’s Board.

Bien que JI PACKER n’ait presque jamais occupé une fonction pastorale, sinon les trois années à Birmingham, son cœur était profondément pastoral. Avec une théologie très biblique, toujours dans l’esprit de la réforme et une ferveur puritaine, Packer ne manquait jamais des applications pastorales concrètes même quand il traitait un sujet théologique complexe.

Son association avec Martyn Lloyd Jones lui a laissé un élan pour le renouveau spirituel de l’Eglise. Dans Son livre “God in our midst”, l’influence de Richard Lovelace y est discernable, mais la marque de Martyn Lloyd Jones n’y apparait pas moins. Il n’a jamais été aussi revivaliste que Lloyd Jones car, selon moi, son approche « cessationist » des dons spirituels lui imposait des limites. Dr Sam Storms a récemment publié un livre sur la biographie du professeur. Sam reconnait que bien que la théologie du Saint Esprit du professeur ne manque pas de controverse, c’est un sujet qu’il a toujours traité avec beaucoup d’humilité et de sagesse, reconnaissant l’œuvre de Dieu réelle au-delà de son propre camp théologique. Quiconque a lu “Keep in Step with the Spirit”, n’oserait pas dire que Packer jette l’eau avec le bébé.

JI PACKER était aussi complémentariste (croyait qu’une femme n’est pas appelée au ministère public d’enseignement avec une audience mixte et ne peut être ordonnée au presbytère). Néanmoins, il a toujours vécu en harmonie avec son homologue John Stott qui avait une vision différente des choses. Stott croyait qu’une femme est appelée à être soumise à l’homme, vérité intemporelle, mais que cela ne s’exprime pas toujours par l’interdiction au ministère d’enseignement, application relative. Il croyait qu’aussi longtemps une femme travaille en équipe avec les autres anciens, avec un contenu biblique et attitude humble, elle peut exercer le ministère d’enseignement.

Vers les dernières années de sa vie, JI Packer a encore choqué les Evangéliques quand il a semblé soutenir la théorie de l’évolution théiste, théorie selon laquelle Dieu a créé le monde par le processus de l’évolution.

Bien qu’académicien de haut niveau, il a demeuré un théologien pour l’Eglise. Il s’est efforcé de rester accessible. Il a mis en disponibilité tout son arsenal théologique et intellectuel pour donner des réponses aux problèmes auxquels l’Eglise est confrontée.

JI Packer laisse derrière lui un riche héritage théologique: une théologie de la réforme qu’il a défendue. Cette dernière a revitalisé son Eglise anglicane, mais surtout le corps de Christ en général, au-delà de sa propre dénomination. Il lègue également un héritage spirituel sur la doctrine de la sanctification qu’il a toujours prêchée avec passion et modelée dans sa vie pleine d’humilité, de pureté, de contentement et de tolérance; vertus qui sont célébrées maintenant par ceux qui l’ont connu de près.

Au Burundi, nous remercions Dieu que sa promotion des puritains avec Banner for Truth de Martyn Lloyd Jones a eu un impact indirect sur nous. On trouve déjà quelques rares âmes burundaises qui dévorent les œuvres des puritains avec passion. Au club de lecture de Sa Bannière qui lit actuellement “Saint’s Everlasting Rest” de Baxter, à l’équipe des leaders de Little Flock qui a fait avec moi Reformed Pastor de Baxter l’an dernier, je dédie cet article. Je vous incite aussi à remercier le Seigneur pour ce géant spirituel dont Il nous avait fait cadeau. Nous lui devons beaucoup plus que nous pouvons le réaliser.

Cet article est aussi dédié à tous ceux qui ont déjà lu “Knowing God” de Jim … relisez encore le livre. Cela vaut toujours la peine. Et surtout ne manquez pas le plus beau chapitre sur l’adoption. Souvenez-vous qu’aux yeux du professeur trois mots résument l’Evangile : Adoption through propitiation (Adoption à travers la propitiation). Quelle grâce de contempler comment, nous, ennemis de Dieu avons été adoptés comme Ses enfants par le même Dieu que nous avons tant offensés! Mais ce miracle fut rendu possible grâce à la mort propitiatoire de Christ qui apaisa la colère divine et mourut en substitution pénale pour nos âmes. Aux yeux de l’humble professeur, rien ne mesure mieux notre compréhension du christianisme que ceci : comment comprenez-vous la paternité de Dieu et votre privilège en tant que son enfant ?