Des grands réformateurs, Martin Bucer de Strasbourg est des moins connus, mais pas des moins importants.
Des grands réformateurs, Martin Bucer de Strasbourg est des moins connus, mais pas des moins importants. L’un des traits caractéristiques de l’ami-ennemi de l’autre Martin (Luther) est sa « poursuite de l’unité » comme l’écrit le Professeur Ryan Reeves du Séminaire Théologique Gordon- Cornwell. Marshal Segal de Desiring God l’appelle « le melting pot -le créseut- protestant » du fait qu’il « est resté ouvert sur les questions les plus controversées et les plus divisées ». Pour le multi-diplômé Dr. Thomas Schirrmacher (le professeur allemand de la Sociologie des religions) Martin Bucer est “l’avocat de l’amour” de par sa contribution dans les tentatives d’unification de diverses fractions chrétiennes et dénominationnelles de son époque. Moi, je l’appellerai « le double protestant », qui protestait contre deux –voire plusieurs-camps, y compris le sien aussi longtemps que l’unité en était le but. Un modèle à émuler, bien sûr avec délicatesse, dans la sphère de l’évangélicalisme contemporain, où règne un milliard de guéguerres.
Martin Bucer est né le 11 Novembre en 1491 à Sélestat en Alsace près de Strasbourg (France) où il passera 25 ans de son ministère, de 1524 à 1549. A juste 15 ans, il rejoint le cloître dominicain, qui était un groupe monastique de prédicateurs catholiques romains. Il reçut une bonne éducation bien que son père fût tonnelier. En 1523, il publie un traité, Enseignement de l’amour chrétien (1523), plaidant l’amour du prochain. Au temps où les sujets brûlants des réformateurs portaient essentiellement sur la grâce, la foi, la Bible ; un traité sur l’amour est une chose à célébrer et émuler dans la quête et la défense de la vérité scripturaire. Il écrira beaucoup que Calvin l’appellera « un moulin à paroles ». Il a laissé environ 150 écrits et on a conservé plus de 2.700 de ses lettres. Il contribuera aussi dans la première Confession Helvétique en 1536 avec d’autres réformateurs comme Bullinger et Capiton entre autres. . En 1541, il perdit son épouse, trois de ses enfants et son ami Wolfgang Capiton, à cause de la peste. En 1542, il se marie en secondes noces avec Wibrandis Rosenblatt –la fameuse épouse de la Réforme.
En 1549, Bucer rejette l’Intérim d’Augsbourg – un décret impérial de Charles Quint qui appelait les protestants à retourner à des croyances et des pratiques proches du catholicisme. En retour le décret proposait quelques concessions, à l’instar du droit de mariage des prêtres et ce pour un temps limité – d’où le nom de ce décret -, avant les conclusions du Concile de Trente. Bucer sera obligé de quitter Strasbourg : il se réfugie en Angleterre où il enseignera à l’Université de Cambridge. Sur invitation de Thomas Cranmer, il aidera dans la confection du Book of Common Payer de l’Église Anglicane. Il mourra le 28 février 1551. Le 6 février 1556, condamné posthumément pour hérésie, son corps est déterré et mis sur le bûcher, dans le cadre des persécutions sous le règne catholique de Mary Tudor (fameusement connue comme Bloody Mary ou Marie la Sanglante). Il fut réhabilité en 1560 sous le règne d’Elisabeth.
Bucer était l’ami de beaucoup de réformateurs. Moins âgé que Luther, il fut son disciple après leur rencontre à Heidelberg en 1518, bien que les deux auront des divergences de temps en temps, notamment sur la Cène. Les deux Martin se rencontrent pour la première fois quand Martin Luther s’était rendu à Heidelberg pour s’exprimer (la Disputation) sur les fameuses thèses qu’il avait publiées et placardées à Wittenberg un peu plus tôt. Protégé par l’Électeur de Saxe, Frédéric le Sage, Luther échappe de bel de faire le voyage à Rome, pour y être entendu et probablement condamné. Il sera invité à s’exprimer devant les augustins de Heidelberg, de son propre ordre.
Bucer fut conquis par la personnalité de Luther et sa compréhension des Saintes Écritures qu’il dira de lui qu’ « Il répond avec une grâce étonnante, il écoute son adversaire avec une patience incomparable, il saisit et dénoue les nœuds des objections avec une subtilité toute paulinienne et par ses réponses courtes, fondées et exclusivement puisées au trésor des Saintes Écritures, il suscite l’admiration de tous, ou presque. ». Il écrira à Martin Luther que c’est pendant la Disputation qu’il a été converti.
De son côté, Luther dira de Bucer, « C’est sans doute le seul moine sincère de son ordre, un jeune homme qui promet beaucoup. Il m’a accueilli à Heidelberg avec un cœur avide et pur et nous avons pu en parler ensemble. Il est digne d’amour et de fidélité, et aussi d’espoir. » Ils divergeront sur bon nombre de points jusqu’à ce que Bucer, le modéré, dissuade en vain Martin Luther de se rendre à la fameuse diète de Worms.
Plus âgé que Jean Calvin, il lui sera un ami et un mentor et l’aidera dans le mûrissement de ses écrits théologiques (y compris des commentaires bibliques, comme celui sur Romains) et de son ministère. Calvin sera influencé par la position médiane de Bucer sur la Cène. Leur amitié se consolide quand Calvin a été obligé de quitter Genève pour se réfugier à Strasbourg où Bucer exerçait son ministère de pastorat. Bucer a été un encouragement et une source de force pour Calvin qui était dans une posture des moins plaisantes.
« Bucer s’est investi pour Calvin à tous égards : il l’a hébergé dans sa propre maison, l’a présenté à son cercle d’amis et a finalement trouvé une maison avec un jardin commun où ils pouvaient facilement se rencontrer et converser. . . . Bucer était vraiment une figure paternelle ». Bucer encourageait même Calvin à se marier et il l’a aidé à trouver sa femme » écrit Bruce Gordon, le professeur d’histoire ecclésiastique à la Yale Divinity School dans son livre Calvin (New Haven: Yale University Press, 2009). Il l’aidera à peaufiner la seconde édition des fameuses Institutions Chrétiennes. Bucer influencera aussi les vues de Calvin sur le culte et la liturgie et encouragera le jeune théologien à retourner à Genève. De retour à Genève Calvin écrira « Pour les prières du dimanche, j’ai pris la forme de Strasbourg et j’en ai emprunté la plus grande partie ». Quelle amitié !
Bucer fera connaissance et aura de bonnes relations avec d’autres réformateurs de renom comme l’ami de Martin Luther, Philippe Melanchton. Avec ce dernier, il partagera son désir pour l’unité. Avec d’autres réformateurs comme Wolfgang Capiton, ils prépareront la Concorde de Wittemberg. Cette dernière mettra d’accord diverses factions de la Réforme sur quelques-unes des plus importantes questions comme la Cène, le baptême, l’absolution, l’instruction religieuse et la question délicate de la réforme du clergé. Luther ne concédera pas sa position conservatrice sur la question de la Cène. Calvin (en 1538) et Guy de Brès (1565) adhéreront aussi à la Concorde ; faisant de Bucer un unificateur de grande envergure, bien que les suisses, dont le Réformateur Zwingli, n’y adhèrent pas. Après la mort de Zwingli, les suisses feront des progrès dans la Confession Helvétique (1936) que même Luther, signataire de la Concorde, saluera après que Bucer la lui ait faite lire.
Un peu plus tôt en 1529, Martin Bucer avait été impliqué dans le Colloque de Marbourg sur la Cène. Le colloque s’est malheureusement soldé sur un échec, Zwingli refusant la position proche de celle du Catholicisme (la présence spirituelle du Christ dans l’Eucharistie) de Luther et ses amis dont Bucer. Martin Bucer accueillera d’autres réformateurs comme Lefèvre et Farel en temps pénibles, comme l’exil. Quel frère !
Divers avis sont émis à propos des efforts de Martin Bucer dans la quête de l’unité au sein de la sphère chrétienne, jusqu’à les qualifier de « naïfs » ou « malavisés ». Mais, le réformateur strasbourgeois est un modèle à célébrer et émuler pour plusieurs raisons. L’une des fascinantes choses à propos de Bucer est qu’il vénérait la Bible comme autorité ultime et incontestable sur toute question en matière de foi et de pratique. Il rejoignait les autres réformateurs sur les grandes et essentielles doctrines comme la centralité de Christ et sa suffisance pour le salut des pécheurs, la foi comme seul moyen de recevoir le salut, la question du péché (et du péché originel), entre autres.
Bien sûr, nul ne nierait que Bucer a sacrifié quelques concessions sur l’autel de l’unité, qui est à regretter. Mais la génération contemporaine a beaucoup à apprendre de lui. Il y a quelques leçons que les arrière-fils de la Réforme pourraient apprendre de Bucer.
Il croyait que la Bible et elle seule est la vérité suprême, le seul terrain sur lequel toute chose est discutée. Pour Martin Bucer, l’adoration et la liturgie par exemple doivent être « en accord avec les Écritures ». « Tout doit etre basé sur les Écritures », insiste-t-il dans son Grund und Ursach. Un sérieux cri d’alarme pour les églises modernes.
Bucer, comme tous les autres réformateurs, aimait et défendait la saine doctrine. Mais, il ne s’arrêtait pas à cela. Il plaidait pour une vie transformée par ces doctrines. Une chose plus que nécessaire au moment du pragmatisme non biblique et de l’apologétique non conséquente.
Pour Bucer, la poursuite de l’orthodoxie ne doit pas nécessairement exclure celle de l’unité. En fin de compte, ce sont des divergences entre frères d’un même Seigneur et l’unité est encouragée tout au long des Saintes Écritures. Il faut avoir une tête droite mais aussi un cœur droit, humble et compatissant, sinon compréhensif.
Bucer est un exemple d’encadrement et d’encouragement des autres. Ceux qui sont avancés en matière de doctrine doivent offrir un environnement de mentorat et d’amitié propice à la croissance et la maturité pour ceux qui se cherchent encore sur cette voie. L’exemple de Calvin en est une illustration dans la vie de Bucer.
Martin Bucer nous enseigne la nécessité de l’humilité et de l’acceptation des divergences des autres frères avec respect et compassion sans manque de rigueur chaque fois que nécessaire. L’amour doit être la chaleur qui doit motiver nos efforts de défense des Écritures.
Martin Bucer était un homme travailleur. Il avait un ministère local à accomplir, un système éducatif à mettre en place, un porte-parole du clergé de Strasbourg, en charge de l’organisation et de la réforme de l’église sur place, dispensation des cours au séminaire, préparation des livres pour la publication et il était un père et un mari. Un exemple d’assiduité à imiter pour les serviteurs de Dieu dans le ministère ou ceux qui y aspirent.
En célébrant le 504e anniversaire de la Réforme –que je qualifie de grâce divine à la race humaine- il faudrait repenser aux implications des actions de ce grand réformateur, brillant théologien, éminent commentateur biblique et incontestable défenseur de l’unité théologique et doctrinale pour la gloire de Dieu. Soli Deo Gloria.
Schadrack Nizeyimana est un chrétien Burundais. Il est détenteur d'un baccalauréat en Psychologie qu'il a obtenu à l'Université du Burundi. Il est passionné par les langues –l'écriture, la lecture et la poésie. Il vit à Bujumbura et y travaille comme traducteur professionnel.
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