Pierre dit que nous devons nous armer constamment de l’attitude de souffrance : Christ ayant souffert dans la chair, vous aussi armez-vous de la même pensée (1 Pierre 4 :1). Au lieu d’approcher la souffrance comme étant une phase circonstancielle, qui précède notre plus belle saison, nous devons l’appréhender comme une routine du ministère et de la vie chrétienne. J’ai alors accepté la tâche et c’est en saignant que j’ai enseigné ce jour-là et c’est en saignant que j’écris cet article.

Quel reflet l’Eglise renvoie-t-elle au monde ?

« La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme. » lit-on dans Actes 4 :32 On n’a pas besoin de consulter les statistiques de Barna Group[1] pour voir que ce verset ne décrit pas l’état actuel de l’Eglise. Le monde autour des chrétiens primitifs les tenaient en très haute estime Actes 3 :47 ; 5 :13. On ne peut pas en dire autant pour nous ! Dans nos églises, les conflits dégénèrent en divisions qui à leur tour détruisent l’unité de l’Eglise. Le résultat est que le monde méprise l’Eglise et son témoignage en est terni. Honte à nous.

Ce qui nous divise

Au risque de donner une vision trop romantique de l’Eglise du 1er siècle, j’aimerais ajouter rapidement qu’eux aussi connaissaient des querelles internes. Mais, au moins ils se remettaient en cause sincèrement pour y remédier. C’est dans cette logique que l’apôtre Jacques pose la question : D’où viennent les querelles et luttes parmi vous ? (Jacques 4 :1).  Essayons d’identifier rapidement ce qui constitue les sources principales des querelles au sein de l’Eglise.

Le péché de nos membres

Jacques répond immédiatement à la question « n’est-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres ? » Oh si seulement on était prêts à appeler le chat par son nom. N’avons-nous pas trouvé d’autres explications si sophistiquées et bien rationnellement embellies. Jacques ne tombe pas dans cet appât.

Certains spécialistes de la Bible ont identifié les similitudes entre le style et la personnalité de Jacques avec les prophètes de l’ancien testament. Dénoncer le péché avec une sainte intransigeance en constitue un des points communs : au verset 2 il nomme ces passions : la convoitise, l’envie, la jalousie, la cupidité.  Certains leaders se spécialisent dans la résolution des conflits et prescrivent tant de recettes dans le but de minimiser au maximum possible les conflits dans les églises.

Le problème est que nous passons souvent à côté de l’une des admonitions pauliniennes les plus importantes : « Faites donc mourir vos membres qui sont sur la terre. » Lui aussi il les nomme au v.5 du Chapitre 3 de l’Epitre aux Colossiens : l’impudicité, l’impureté, les passions, les mauvais désirs, et la cupidité, qui est une idolâtrie, la liste continue au v.8 en les avertissant à ne faire attention « à la colère, à l’animosité, à la méchanceté, à la calomnie, aux paroles déshonnêtes. »

Les différences psychologiques

Dieu nous a créés de façon prodigieusement méticuleuse et diversifiée. Savez-vous qu’il existe au moins 10 milles espèces différentes d’oiseaux englobant 50 milliards d’oiseaux et qu’aucun ne ressemble complètement à l’autre ? Pourquoi une belle complexité chez les humains devient souvent une malédiction. On est si différents dans nos tempéraments et personnalités. Presque aussi variés que ces petites créatures.

Connaitre le profil psychologique de nos collaborateurs ou celui de nouveaux recrus dans le ministère n’est pas un détail anodin. Le moindre manque de tact, de sagesse, de patience détient un potentiel de transformer des différences légitimes en de grandes sources de conflit. Paul et Barnabé eurent un profond désaccord au sujet de Marc (Actes 15 :36-40). Le doux Barnabé et le colérique Paul n’avaient pas la même vision des choses sur la façon de traiter les faiblesses de Marc.

Les différences de perspective sont souvent le résultat de ces nobles différences et un peu de patience nous ferait découvrir que substantiellement on veut la même chose. Le dissentiment fut vif qu’une séparation en a résulté (Actes 15 :39). Il est important de réaliser au moins deux choses à propos de cet épisode :

Dieu s’en est servi pour que l’Evangile atteigne un plus grand nombre. Désormais, il y avait deux équipes : Paul et Silas, puis Barnabé et Jean Marc voyageant dans différentes directions et prêchant au plus grand nombre. Dieu se sert des séparations, même celles qui semblent être nées d’un conflit quelconque.

Le reste de la Bible nous montre que la séparation de ces deux hommes n’a jamais occasionné une rupture d’unité. Si Dieu se sert de notre séparation, Il ne cause jamais de division. Il n’aliène jamais ses enfants les uns des autres. Un profond respect mutuel et une solidarité pour la cause de l’Evangile persistèrent entre ces deux hommes si profondément différents dans leurs personnalités.

Différences doctrinales

« Mais, lorsque Pierre est venu à Antioche je me suis opposé ouvertement à lui, car il avait tort. » nous dit Paul dans Galates 2 :11. Paul a confronté Pierre car son comportement était en train de prêcher un autre Evangile. Sa façon de vivre ne proclamait pas les glorieuses vérités de la grâce selon lesquelles Dieu accepte gentils et juifs sur la même base : la foi en l’œuvre finie et parfaite de Jésus Christ.

Pierre n’a jamais prêché un autre Evangile verbalement mais son comportement envers les non juifs était inconsistent avec ce qu’il prétendait croire. Cela était si intolérable. Pierre n’a jamais développé de ressentiment envers Paul à cause de cette confrontation. Paul est et reste le frère bien aimé pour lui (2 Pierre 3 :15), cela n’a jamais engendré ni division ni rupture d’unité. Aujourd’hui les églises se déchirent parce que :

Ceux qui défendent l’Evangile ne le font pas selon l’exhortation de Pierre. « Si l’on vous demande de justifier votre espérance, soyez toujours prêts à la défendre, avec humilité, respect et conscience pure (1 Pierre 3 :15-16)

Ceux qui sont réprimandés pour leur inconsistance de vie ou de foi n’acceptent pas la correction avec humilité.

Ce qui nous rassemble

Au 4e siècle avant Jésus Christ, un prophète sentait de la douleur pour la corruption et la violence si rampantes dans sa société qui était supposée représenter Dieu. Il demanda avec émotion : Comment donc pouvons-nous agir avec traîtrise chacun envers son compatriote ? (Malachie 2 :10) Il tenta de s’accrocher à quelque chose pouvant rassembler de nouveau la communauté postexilique. N’avons-nous pas un seul Dieu ? Il voulait que ses compatriotes se regroupent autour de cette vérité monothéiste si cardinale. Quelles vérités cimentent l’unité de l’Eglise et nous secourent aux temps de crise ?

Qui est Christ et qu’a-t-il accompli pour nous ?

Paul est emprisonné au début des années 60 dans une prison romaine mais s’inquiète peu pour sa santé physique que pour la santé spirituelle d’une de ses églises fondées pendant son 2ème voyage missionnaire. Pour être plus précis, il s’inquiète pour la première église européenne. Bien sûr, il a tellement de raisons de se réjouir pour de bonnes choses qui caractérisent cette église. Une relation très affectueuse s’est établie entre lui et cette église. Il leur dit « compléter ma joie…en ayant la même pensée. »

Plus loin, il nous fait découvrir sobrement et sans détails que deux femmes leaders dans cette église sont entrées en conflit, assez sérieusement que Paul doit intervenir pour le résoudre. Ce conflit a sans doute affecté toute l’Eglise et crée de discordes internes. C’est pourquoi Paul écrit en interpellant toute l’Eglise à l’unité. Comment le fait-il ? En les rappelant la personne et l’œuvre de Christ (Philippiens 2 : 5-11). L’Evangile rassemble, prévient mais aussi guérit quand le conflit a déjà éclaté.

Qui sommes-nous devenus en Christ ?

Ces vérités sont simples mais très précieuses et essentielles. L’œuvre de Christ nous a donné une nouvelle identité. Nos réponses face au confit doivent refléter notre identité en Lui. Dans sa dimension sociale et relationnelle, en Lui nous sommes devenus une FAMILLE. (Ephésiens 2 :19) Nous sommes destinés à vivre en famille éternellement dans Sa présence.

Quelle est notre mission ?

Quand le conflit éclate, Satan s’en sert pour nous éloigner du vrai but. Il veut que nous nous concentrions sur des petites batailles insignifiantes. Du coup, nous sommes détournés du but, Nous n’avons plus l’énergie de livrer de vrais combats. Quand l’enfer soulève des remous de conflit pour distraire l’Eglise, un bon leader saura éviter de jouer le jeu, mais de rassembler le reste du Troupeau autour des objectifs spirituels qui constituent l’appel de cette Eglise.

Sur la route de la guérison … (Galates 5 :15)

Les conflits sont inévitables. Mais nous pouvons les gérer de façon qu’ils ne dégénèrent pas en de graves blessures qui prendront tellement de temps pour guérir. Des blessures qui auront endommagé sérieusement nos relations, laissant sur le sillage tant de déchirures. J’aimerais proposer un simple plan à 5 étapes qui pourrait aider.

Ouvrir nos bibles et étudier ensemble : je sais qu’il est difficile de faire ce genre d’échanges alors que nous sommes tendus mais on doit commencer par-là : que dit la Bible à propos de l’Evangile. Si cet Evangile crée la communauté qu’est l’Eglise, quelle relation entre les deux ? que dit la Bible sur l’Eglise, sa mission, ses membres, son leadership ?

Prier : avoir le courage d’admettre nos manquements à la lumière de la Parole de Dieu. Admettre aussi que dans nos propres forces nous sommes incapables de maintenir l’unité, et que la réconciliation et la restauration ne peuvent que découler de son Esprit

Parler ouvertement du conflit. Au bout du compte, on doit parler des choses sensibles qui nous divisent. Ne fuyez pas ! N’enfouis pas des choses sensibles sous terre sous prétexte d’une fausse modestie ou par peur du déclenchement ou tournure inattendue.

Impliquer les autres : parfois le conflit a déjà pris une telle allure, et les blessures une telle profondeur que l’on a besoin que d’autres personnes les moins affectées par le conflit qu’ils soient de l’intérieur ou de dehors interviennent et dirigent le processus.

Accorder les uns aux autres du temps tout en faisant quelque chose. Il arrive que les gens aient des fausses attentes quant au processus de réconciliation.[2] Soyez réalistes. Certaines choses prennent du temps, d’autres choses sont irrécupérables. Certaines cicatrices ne s’effaceront jamais tandis que d’autres le seront après tant d’années. Mais au cours du long processus, on peut toujours faire quelque chose qui correspond au rythme de guérison auquel nous sommes parvenus, un geste qui reflète l‘œuvre de la grâce en nous, le fruit de l’amour, résultat du pardon. Demandons la force de faire quelque chose, aussi petite soit-elle, tout en priant que Dieu multiplie notre petite semence pour sa gloire et notre guérison complète.

[1] Barna est une organisation évangélique américaine qui se spécialise dans les statistiques relatives à la vie et ministère de l’Eglise.

[2]  Pendant les moments difficiles, cet article de Gospel Coalition m’a aidé : “How to move from forgiveness to reconciliation”