En remémorant les années modestes mais glorieuses de l’Église pentecôte, nous sommes en même tant préoccupés par sa situation actuelle précaire.
La famille des pentecôtistes du Burundi vient de perdre une figure importante de cette domination. Elie Ndikunkiko, pasteur premier de l’Église pentecôte de Kiremba qui vient de finir sa course. Avec l’Église anglicane, elles sont les plus grandes dénominations protestantes de ce pays. La mort du pasteur Ndikunkiko survient pendant que cette Église traverse une période plutôt précaire. Si aujourd’hui cette Église commence à ressembler à une relique du passé, elle fut cependant un puissant instrument de Dieu dans les premières années du christianisme protestant au Burundi, surtout dans le développement d’une théologie du Saint Esprit. Cette circonstance me donne un prétexte pour remémorer les années modestes mais glorieuses de cette dénomination tout en espérant que malgré la période sombre qu’elle traverse, elle puisse renaitre des cendres un jour…
Ceux qui me connaissent bien reconnaitront bien ma passion pour l’Histoire de l’Église en général. Mais il m’est toujours pénible de réaliser combien rarissimes sont les ouvrages scientifiques qui nous renseignent sur l’Histoire de ma propre Église du Burundi.
Depuis longtemps Church Growth in Burundi de Donald Hohense a été l’unique ressource vraiment scientifique, elle-même le résultat d’un travail doctoral d’un étudiant qui essayait de mettre en pratique les théories du fameux Donald McGavran dans le domaine de la croissance de l’Église surtout ses théories sur le principe d’homogénéité. Le livre contient tant d’information importante sur l’Église du Burundi et aussi tant de stéréotypes qui ne manquent pas de choquer. Ceci prendrait un autre long article.
En écrivant cet article j’ai bénéficié de la thèse doctorale d’une femme suédoise extraordinaire: Gunilla Nyberg Oskarsson (PhD, Université d'Uppsala 2004) chercheuse en missiologie. Elle s’est concentrée sur l’étude empirique du pentecôtisme au Burundi, au Rwanda et à l'Est du Congo, et sa thèse doctorale portait sur l’Église pentecôtiste du Sud: Le mouvement pentecôtiste - une communauté alternative au sud du Burundi 1935-1960
Cette femme complète Donanld Hohense dans plusieurs aspects: Donald s’était concentré sur la période des années 60 jusqu’ aux années 80. Alors que la femme couvre celle de la période des années 35 jusqu’à la période de la décolonisation. Donald s’était concentré sur World Gospel Church alors que cette femme s’est concentrée sur l’Église pentecôtiste. De plus Mme Gunilla avait accès aux archives de l’Église pentecôte depuis la Suède.
Le pentecôtisme est né des feux du Réveil historiquement connu comme Azusa Street aux États Unis, dans la ville de Los Angeles. On est dans les années 1904-1906. Comme au jour de la première Pentecôte, les pèlerins venus presque du monde entier retournèrent dans leurs pays respectifs emportant avec eux le message de Jésus et de la la puissance du Saint Esprit, de la même façon, le feu du réveil d’Azusa fut emporté de Los Angeles vers d’autres pays de l’Europe, y compris la Suède. Il existe des rapports bien établis entre les réunions tenues à Azusa Street, Los Angeles en 1906, et le développement des églises de Pentecôte en Scandinavie.
Lewi Pethrus (1884-1974), l’homme de la situation
Vous savez que l’Église pentecôtiste au Burundi a résulté d’un croisement entre le pentecôtisme suédois et nos burundais de la région de Bututsi et Buragane. Mais la Suède elle-même était tributaire d’Azusa Street et l’expansion du pentecôtiste suédois doit beaucoup au leadership de Pethrus. Mais qui était cet homme et comment fut-il lui-même en contact avec le pentecôtisme?
En 1913, Pethrus assista à une conférence aux États-Unis où il fut exposé aux enseignements du mouvement pentecôtiste. Il est retourné en Suède et a commencé à prêcher sur le Saint-Esprit et les dons de l'Esprit, ce qui a conduit à la création du mouvement pentecôtiste suédois. Pethrus et d'autres dirigeants ont beaucoup voyagé à travers la Suède et les pays voisins pour prêcher et organiser des réveils. Ils ont également envoyé des missionnaires dans d’autres parties du monde, notamment en Afrique et en Asie, pour diffuser le message pentecôtiste. Pethrus est largement considéré comme une figure clé de l’histoire du mouvement pentecôtiste en Suède.
Le travail missionnaire pentecôtiste suédois en Afrique a commencé au début du 20e siècle et s’est principalement concentré sur l’évangélisation et la création d’églises pentecôtistes à travers le continent. Les missionnaires pentecôtistes suédois étaient connus pour l'importance qu'ils accordaient au Saint-Esprit et aux dons de l'Esprit, et ils cherchaient à diffuser leur message à travers l'Afrique.
Les premiers missionnaires pentecôtistes suédois destinés à travailler en Afrique, furent envoyés à l 'Est du Congo Belge. Ils arrivèrent dans la province de Kivu, vers juin 1921. Mais je tiens à préciser un fait souvent oublié que les premiers pionniers du pentecôtisme au Congo n’étaient pas des suédois. Le pentecôtisme était déjà installé au Congo depuis 1915, avec l’œuvre de Burton William et James Walter connu comme le gendre du fameux Smith Wigglesworth. Du Congo, les missionnaires suédois voulurent implanter au Burundi.
Le légendaire Fumberi
Les premiers missionnaires pentecôtistes suédois arrivèrent au Burundi et commencèrent l’œuvre à Kayogoro et à Kiremba au sud du Pays. Les deux premières stations missionnaires propagèrent l’Evangile dans les autres provinces du pays. Parmi les premiers missionnaires suédois au Burundi venant du Congo, un nom est resté gravé dans le souvenir des Burundais: ‘FUMBERI’ — de son vrai nom Thomas Winberg venu d’Uvira. Il arriva à Kiremba en Septembre 1935.
Thomas Winberg (1896-1978) était né dans une famille baptiste. Le père était cordonnier et Winberg apprit le métier de tailleur. A seize ans, il fut baptisé dans l'église baptiste locale. A vingt-deux ans, il suivit le cours biblique à l’église de Filadeljia, Stockholm. Puis il travailla comme évangéliste et pasteur dans les églises pentecôtistes suédoises. Lui et sa future femme Anna avaient suivi les cours à l’école missionnaire à Hôgsby pendant trois semestres, avant d'étudier le français en Belgique. Thomas Winberg quitta la Suède en 1925 et Anna Winberg (1900-1975), en 1928. Ils se marièrent au Congo en 1929.
A Kiremba aussi les chrétiens du Congo belge furent les intermédiaires pour annoncer l'Évangile. Au début les missionnaires suédois collaboraient avec des évangélistes congolais, d'origine rwandaise, qui parlaient le kinyarwanda, compris aussi au Burundi. Progressivement, les évangélistes burundais prirent la relève.
En parlant du travail pionnier d’implantation du pentecôtisme, il est judicieux d’évoquer le rôle qu’ont joué aussi les évangélistes burundais qui assistaient le missionnaire. Les évangélistes burundais jouaient un rôle décisif pour le développement de l’œuvre. Puisque la majorité des missionnaires suédois ne parlait pas kirundi, les évangélistes étaient responsables de la traduction du message et de l’enseignement aux nouveaux convertis.
Avec l’indépendance, tous les missionnaires furent sommés de partir et de tout laisser aux mains des autochtones. Les leaders locaux avaient beau assister les missionnaires dans différentes taches, ils n’étaient pas prêts à porter un fardeau aussi lourd et en l’absence du missionnaire. Déjà l’éducation théologique n’était pas très callée dans une domination qui préférait compter sur l’expérience du baptême du Saint Esprit plutôt que sur la connaissance biblique. Le fondateur lui-même du mouvement pentecôtiste suédois, Petrus ayant failli perdre sa foi au cours de son éducation théologique, n’était pas fan d’une longue éducation.
Formation théologique à Stochkholm
La meilleure éducation que les missionnaires suédois pouvaient acquérir eux-mêmes n’était pas très solide. Pethrus et ses collègues dirigeants avaient fondé des établissements d'enseignement pour former des pasteurs et des dirigeants du mouvement pentecôtiste. L'école biblique pentecôtiste suédoise, fondée par Pethrus en 1918, dispensait un enseignement théologique et une formation pratique aux pasteurs et aux évangélistes. Comme jeunes évangélistes, les futurs missionnaires suivaient des cours bibliques, durant quatre semaines, chaque automne, à Stockholm ou à Gôteborg. Les pentecôtistes scandinaves diffèrent donc de leurs homologues en Europe et aux Etats-Unis, où on tenait des écoles bibliques de long terme.
Les pentecôtistes suédois se considéraient comme les véritables successeurs des apôtres, non pas par la « succession apostolique », mais en partageant le même type d'expérience et ayant la même tâche à accomplir. Le « parler en langues » était considéré comme le signe ultime du baptême du Saint-Esprit. On s'attendait à ce que tout croyant reçoive ce don de Dieu, pour acquérir la force nécessaire afin de « vivre une vie sainte et gagner les hommes pour Dieu » Personne ne devait être consacré comme ancien ou envoyé comme évangéliste sans avoir fait cette expérience. Tout cela permettait aux missionnaires d'avoir une certaine estime personnelle. Ils se sentaient convaincus de leur vocation spécifique et de leur importance dans l' œuvre de Dieu pour le salut des hommes
Formation théologique au Congo et Rwanda Urundi
En l'absence d'un missionnaire homme, c'était à un ancien africain qu'il revenait de célébrer le baptême et la Sainte-Cène et de diriger les réunions d'assemblée. Le niveau de formation des anciens et des évangélistes était assez bas. Ils suivaient des cours de perfectionnement pendant les vacances scolaires. La majorité des évangélistes n'avait pas terminé l'école primaire.
Il y eut une visite de Lewi Pethrus en1948. Le dirigeant du mouvement pentecôtiste suédois effectua sa première visite au Congo belge et au Ruanda- Urundi. il put constater ce manque. Il encouragea alors l’établissement des centres éducationnels, En 1952, une école biblique fut ouverte à Uvira, pour des anciens et des évangélistes de la première génération de chrétiens, qui n'avaient pas terminé l'école primaire. Là-bas, ils prenaient quelques cours bibliques, la doctrine pentecôtiste, l'histoire de l'église et de la mission, la comptabilité simple, et le calcul, l 'orthographe, la calligraphie et un peu d’homilétique. Un cours durait 4 à 5 mois
Plus tard, des écoles furent aussi établies au Burundi, dont l'École Normale de Kiremba, ouverte dès 1963 et une école biblique à Kayogoro en 1961.
Au Burundi, le missionnaire homme responsable d'une église, était le «dirigeant». Il devait partager la responsabilité avec des anciens burundais.
En 1942, les premiers anciens d'origine de Kiremba furent consacrés, Filipo Bwanike et Abed-Nego Madengo. Tous les deux avaient environ vingt ans. Ils avaient été des serviteurs personnels du Muzungu. Bwanike, né en 1919, fut baptisé au premier baptême en 1936, et fut envoyé comme évangéliste-enseignant la même année. Madengo est né en 1920 et baptisé en mai 1937. Tous les deux venaient de Ndava, une sous-colline de la colline de Kiremba. Madengo devint successivement aide de l'infirmerie de Mlle Holmstrôm, évangéliste et enseignant à l'école primaire.
En l'absence d'un missionnaire homme, c'était à un ancien africain qu'il revenait de célébrer le baptême et la Sainte-Cène et de diriger les réunions d'assemblée. En 1950, Bwanike et Madengo furent envoyés à l'École Biblique de la MLS à Uvira. Avec l’Independence, les missionnaires furent forcés de retourner chez eux, et les locaux prirent la relève. A Kayogoro, Lazaro Samiye et Daniel Ntampera, à Kiremba, Abed-Nego Madengo et Manasse Mafefere, à Gishiha, Petero Ndirabika et Yosia Buhagaze, à Mugara, Bartolomayo Hajayandi et Simiyoni Gasindi.
Kiremba sous le pastorat de Ndikunkiko
Madengo qui avait succédé au missionnaire n’avait pas beaucoup d’éducation, Il avait été un serviteur personnel du blanc, puis évangéliste, puis ancien avant de devenir pasteur premier. Son éducation se limitait à quelques cours pris au Congo. Sous son leadership, il y avait un jeune homme très zélé, prêt à tout pour le Seigneur, séparé pour le ministère et en feu du Saint esprit.
Vous vous souviendrez que l’Église pentecôtiste avait commencé son implantation dans cette partie du sud du pays qui était la moins peuplée alors que l'œuvre missionnaire catholique s’était concentrée sur les régions centrales et septentrionales du pays, plus peuplées que le Sud, où la première station catholique fut fondée en 1934, dans le territoire de Bururi. La même année la mission anglicane Ruanda Mission commença son œuvre dans le même territoire mais avait beaucoup d’avance sur l’Église pentecôtiste dans les autres régions comme le Nord.
La progression de l’œuvre pentecôtiste dans les régions non encore atteintes fut le résultat des efforts infatigables des évangélistes itinérants et hommes de Dieu comme Elie Ndikunkiko qui fut un puissant instrument pour implanter les églises pentecôtistes surtout au Nord du Pays : Ngozi, Muyinga, Kirundo. A une époque où le pays connaissait peu de modernité comme aujourd’hui, surtout à l’intérieur du pays, Elie fait partie de cette génération de évangélistes et pasteurs qui ont travaillé dans des conditions très misérables qui défient même notre sens modeste de confort.
Après la mort du pasteur Madengo, Ndikunkiko était presque le choix naturel. Il avait fini l’école normale, puis envoyé en Belgique pour son éducation théologique. Il était né en 1938. Il vient d’achever sa course la semaine dernière Le 7 Mai 2024, à l’âge de 86ans.
Je dois clôturer cet article sur une note malheureusement déplaisante, si je dois être réaliste.
Après le départ des missionnaires en Avril 1962, le pays a traversé des changements socio-politiques importants qui ont affecté cette Église et l’ont façonné au pire. Depuis quelques décennies, l’Église pentecôtiste est beaucoup plus reconnue pour les flammes des conflits ethniques que celles du Saint Esprit. Des crises de leadership liées aux polarisations ethniques affaiblirent ce qui avait commencé comme une œuvre de Dieu extraordinaire.
Au début il y avait un bon nombre des pentecôtistes politiquement actifs qui étaient des Hutu. Les massacres de 1965,1972 et 1988 firent tellement de victimes parmi l’Elite intellectuelle hutu. Une étude approfondie sur la façon dont ces massacres ont découragé tout engagement des hutus pentecôtistes dans la vie socio politique du pays est amplement documenté dans cette œuvre
Pour le moment, admettons que les changements politiques affectent souvent nos églises. Nous savons que le Burundi va demeurer sous la dictature des Bahima burundais (Micombero, Bagaza, et Buyoya) qui vont régner de 1966 à 2003, tous étant originaires de Bururi. Pendant ce temps, l’Eglise pentecôtiste semble avoir bien coexisté avec le régime politique en place. En même temps l’ascension hiérarchique privilégiait beaucoup plus le Tutsi au sein des Églises pentecôtistes et anglicanes. Au sein de l’Église pentecôte les hutus se sentirent marginalisés, ce qui a abouti à la création des églises EUSEBU dans les années 90.
Avec le régime de CNDD-FDD, les dirigeants Tutsi se sentirent à leur tour menacés par l’ingérence du parti au pouvoir dans les affaires ecclésiastiques. Des pasteurs comme Ndikunkiko de Kiremba ont pu tenir tète et refusé tout compromis. On ne dira pas autant du Pasteur Jonathan Kidebuye de la mission de Nyanza Lac. Des menaces de mort qui ont valu des appels SOS disant que Esron Nizigama, premier pasteur de l’église Pentecôte à la mission de Kayogoro menace de mort le pasteur Zacharie Mirwire.
Rappelons aussi en terminant que NDIKUNKIKO Elie est mort alors qu’il était en voyage au Canada, où une réconciliation aurait eu avec Onesphore, le premier pasteur de Bujumbura, après un conflit ouvert et intense qui les avait opposés jusqu’à ce que ça circule sur les réseaux sociaux. En regardant à l’horizon de cette Église qui autrefois avait fait la fierté de MLS, mission libre suédoise, on se demande, non sans inquiétude, renaitra-t-elle des cendres ? En tout cas, c’est notre prière.
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Photo: Les pasteurs Elie Ndikunkiko et Abed-Nego Madengo, 1975. Inger-Brit Ahlstrom.
NIKIZA Jean-Apôtre est un Pasteur qui exerce son ministère depuis la ville de Bujumbura. Il est marié à Arielle T. NIKIZA et ensemble, ils sont pionniers du Mouvement des Hédonistes Chrétiens, Sa Bannière depuis 2015. Ils sont aussi co-fondateurs de Little Flock Ministries. La spiritualité chrétienne et le Renouveau spirituel de l’Eglise restent les grandes marques de leur appel commun. Les moments de loisirs de NIKIZA J-A incluent les films, la
musique,le Basketball et un bon sommeil.
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