Réforme ou réformes?

Il existe un récit populaire et commun mais incomplet de cette Histoire. Chaque année, à l’occasion de la célébration internationale de la Réforme protestante, nous essayons de suppléer avec quelque information moins répandue.

31 Octobre 2022

Il est important de revisiter de temps en temps l’Histoire de la Réforme. C’est la pièce d’étoffe à partir de laquelle on est tous tirés en que protestants évangéliques. Il existe un récit populaire et commun mais incomplet de cette Histoire. Chaque année, à l’occasion de la célébration internationale de la Réforme protestante, nous essayons de suppléer avec quelque information moins répandue sur l’Histoire de la Reforme. Aujourd’hui, parlons des réformes au lieu de la Réforme avec une petite emphase un tout petit peu particulière sur la réforme radicale.

La Réforme magistrale

Elle est la plus connue. Ses leaders, les plus célébrés. Luther en Allemagne, Zwingli à Zurich, Calvin à Genève et enfin les réformateurs anglicans. On l’appelle magistrale pour au moins deux raisons. D’abord le qualificatif de magistrale provient de magistère peut signifier érudit enseignant. Il faut noter que la réforme magistrale est marquée par une grande influence des professeurs d’université et intellectuels humanistes qui se convertissent en la cause de la réforme. L’autorité de l’enseignant expert devint alors une trop grande influence que certains ont réagi en dénonçant les réformateurs magistraux d’être de nouveaux papes.

Mais l’appellation de réforme magistrale a un autre sens. Elle renvoie également aux magistrats séculiers. Ils ont joué un rôle important pour la propagation et affermissement des idées de réforme des premiers réformateurs. Les princes Allemands à partir de Frédéric qui a caché Luther dans le château, les rois scandinaves qui usèrent de leur autorité pour rendre le luthéranisme une religion nationale, Zwingli qui s’est servi des autorités civiles de Zurich et la même chose avec Calvin à Genève; en Angleterre le roi était à la fois le chef d’Eglise et la liste est longue.

La Réforme radicale

Certains personnes trouvaient que la reforme magistrale de Luther, Calvin, Zwingli n’étaient pas assez profonde, au moins dans certains aspects. On trouve les radicaux à la marge à la fois du luthéranisme et calvinisme. Depuis des siècles l’histoire des mouvements radicaux, non conformistes, de mouvance gauche de la Reforme a été méconnue, mal représentée et au pire totalement ignorée . Il y a quelques décennies, l’histoire des réformateurs radicaux a été revisitée, leur contribution appréciée et leurs tares exposées. La réforme radicale était dirigée non pas par des professeurs d’Universités de haut niveau comme la reforme magistrale, mais par des intellectuels provenant de toute sorte d’arrière-plan. Ils étaient persécutés par les catholiques, luthériens et calvinistes.

Loin d’être homogène, le mouvement était diversifié, donc facile à stigmatiser car en son sein il y a eu des déviations hérétiques fragrantes, des révolutionnaires brutaux et guerriers. Néanmoins j’aimerais relever certains traits positifs reconnus par l’histoire.

Les radicaux étaient généralement des anabaptistes qui rejetaient l’autorité scripturale du baptême d’enfant ce qui énervait les réformateurs magistraux. Conrad Grebel qui peut être appelé le premier anabaptiste était ami intime de Zwingli. Il fut choqué de voir son ami embrasser ce qu’il avait jadis renoncé, le baptême d’enfant. Il se sépara de Zwingli. Le 21Juin 1525 est une date importante dans l’histoire de ce mouvement. Alors que ceux qui avaient suivi les convictions de Cornad Grebel s’assemblaient dans la maison de Felix Mantz, un certain Georges Blaurock demanda à Conrad Grebel de le baptiser ce qu’il fit. Mais tous ceux qui étaient présents dans la maison de Felix Mantz furent rebaptisés aussi. Le mouvement anabaptiste était né. Simon Menno mena le même combat dans les Pays Bas et Mennonites étaient nés. On peut parler aussi des moraves en Allemagne sous le leadership du compte Zinzendorf, qui eux aussi étaient de la même mouvance.

Les réformateurs radicaux plaidaient pour une stricte séparation entre Etat et Eglise ; Chez les réformateurs magistraux, les autorités civiles étaient utilisées pour appliquer la discipline de l’Eglise quand un membre de l’Eglise s’éloignait du droit chemin. Ils n’hésitaient pas de se servir des autorités civiles pour effectuer des réformes socio-religieuses. Ils croyaient que l’’Eglise et Etat devraient être liés au service de la foi et la moralité. Des tentatives de créer une sorte de théocratie ou loi civile et loi morale ne sont qu’une seule chose, étaient évidentes. Mais les radicaux trouvaient que l’Eglise n’était redevable qu’à Christ et les écritures et pas à une certaine institution humaine. Ils étaient hais parce qu’ils refusaient de faire politique, être des soldats, payer des taxes qui finançaient la guerre. Il faut admettre que les réformateurs magistraux ont parfois utilisé leur influence politique pour persécuter les anabaptistes minoritaires. Par exemple bien qu’il eut des débats publics entre Conrad et Zwingli concernant leurs différences doctrinales, l’influence de Zwingli sur les autorités civiles de Zurich était si grande que ces dernières votèrent des lois anti-anabaptistes interdisant de rebaptiser sous peine de mort. C’est ainsi Felix Mantz fut noyé dans le fleuve, et devint le premier martyr de la réforme radicale et Servetus fut brulé à Genève. Les radicaux croyaient que seule la raison, les écritures et le saint esprit peuvent convaincre et non pas la force ou l’épée.

Les radicaux se distinguaient aussi par leur nostalgie de redevenir l’Eglise primitive dans ses pratiques ; les Moraves instituèrent un style de vie communautaire, les anabaptistes en général n’appréciaient pas un leadership hautement centralisé, ils s’appelaient entre eux des frères. Alors les Brethren étaient associés dès le début au mouvement de réforme radicale

Enfin pour terminer, le mouvement radical trouvait parfois la reforme magistrale hautement intellectuelle. Ils commencèrent a insisté sur l’expérience subjective avec l’Esprit. Luther les appelait des enthousiastes et leur principal leader Müntzer était extrémiste et s’adonna aux excès que tout le mouvement en a été affecté. Néanmoins un peu plus tard, il y a eu aussi des gens comme Georges Fox, père des Quakers qui étaient de la même tradition ; il insistait sur la lumière intérieure sans être hérétique. L’influence des Quakers dans la revitalisation spirituelle de l’Eglise ne peut être niée. Mais puisque les réformateurs insistaient sur la Bible en tant que Parole externe, ceux qui insistaient sur l’Esprit, en tant qu’intériorité de la Voix de Dieu, et qui valorisaient tant rencontrer Dieu dans une expérience mystique et intérieure, jugeaient que la reforme magistrale courait le risque de devenir intellectuellement aride et sans vie

La Réforme catholique

L’Eglise catholique trouva légitimes certaines accusations des réformateurs. D’ailleurs avant eux, d’autres voix s’étaient déjà fait entendre contre la corruption morale du clergé. Certains catholiques voulaient éradiquer les abus au sein de l’Eglise catholique sans toutefois devoir la quitter. C’est le cas d’Erasme qui ne l’a jamais quitté; malgré sa grande contribution à la cause protestante. Le Pape Paul III convoqua le concile de Trente en 1545 qui siégea jusqu’à 1563 ils essayèrent d’épurer le clergé des abus mais sans toucher aux dogmes fondamentaux ; la corruption cléricale fut redressée mais tous les sacrements furent maintenus

Considérations contextuelles

Cette célébration de la reforme est une occasion en or pour effectuer une introspection ouverte.

Évangile et les questions secondaires.

Plus de 500 ans après la Réforme, il y a des questions qui restent encore non résolues, ouvertes au débat et appelant à la tolérance. Ces questions ont inutilement divisé les chrétiens pendant des siècles, et nous sommes loin d'atteindre un consensus parmi les érudits les plus sincères. Bien que je ne décourage pas la poursuite de la vérité dans ces domaines tels que les styles de leadership de l'église et les sacrements, nous devrions être plus iréniques dans la façon dont nous écoutons et traitons les autres avec des points de vue opposés.

Alors que nous célébrons la réforme protestante, il est temps pour nous de nous rappeler que le christianisme évangélique au Burundi est âgé à peu près d’un siècle. Il semble qu’il y a eu au moins trois vagues importantes de l’Evangile

Entre 1930-1950 : la première vague missionnaire ou l’Evangile confronta pour la première fois nos croyances culturelles et traditionnelles

Entre 1990-2000 : Vague des églises de réveil qui tentaient de remédier au formalisme et apathie spirituelle des églises missionnaires

2010-A nos jours : un rayon de soleil calviniste qui correspond au mouvement américain de Young and Restless Reformed. Malheureusement une plus puissante vague de l’Evangile de prospérité et Parole de Foi, popularisée grâce à l’Internet et Télévisions est une grande menace.

Que les abus des autres ne façonnent pas notre théologie

Il est historiquement prouvé que les radicaux s’appuyaient beaucoup plus sur l’autorité objective de la voix intérieure et des expériences mystiques que sur la Bible. Il est possible aussi que les réformateurs magistraux aient excessivement réagi au surnaturel. Il faut noter qu’aux oreilles des réformateurs magistraux, les choses comme des miracles étaient connectés aux histoires fausses de reliques miraculeuses, des duperies catholiques du Moyen Age. Peut-être que ils associaient trop hâtivement toute histoire du surnaturel aux superstitions catholiques. Le débat récent dans les milieux réformés sur les dons surnaturels nous amène à nous demander si nous ne commettons pas encore aujourd'hui la même erreur de laisser les abus et les excès d'autrui façonner notre théologie.

Luttons contre le péché d’orgueil et l’intolérance

Les réformateurs magistraux ont constaté que les radicaux perturbaient la cause de la Réforme, ajoutant de la confusion et de l'extrémisme. Ils craignaient que cela ne discrédite tout le mouvement de la Réforme. De leur côté, les radicaux trouvaient que les premiers réformateurs n'avaient pas poussé la réforme assez loin, qu'ils conservaient quelques vestiges catholiques. Nous déplorons les cas de persécution qui se sont produits entre ces deux groupes. Mais nous apprenons ici qu'il est facile de développer des sentiments d'intolérance, d'orgueil, de vanité et de haine et de ne pas apprécier ce que Dieu fait à travers d'autres groupes qui ne sont pas d'accord avec nous en tout. Ce piège doit être évité dans notre génération alors que nous aspirons tous à un Semper Reformanda dans l'Église au Burundi.

Il est temps de faire le ménage

Nous avons vu comment l’Eglise catholique a essayé de faire le ménage sur le plan moral bien que doctrinalement, il n’y a pas eu de changement. Depuis quelques décennies, le monde postmoderne en mutation a engendré l’abandon de valeurs morales et malgré cela, on a vu l’Eglise catholique prendre des positions intransigeantes contre une telle détérioration morale. Ils se sont prononcés officiellement contre l’avortement, l’homosexualité plus que les églises protestantes. Certaines églises comme l’Eglise anglicane,une branche des méthodistes et autres ont déjà embrassé la tendance libérale.

Sur le plan local, les mesures contraignantes, aux yeux de certains, du gouvernement burundais envers les églises protestantes seraient réactionnaires aux multiples scandales moraux qui se sont observés chez les protestants. Il semble qu'il y ait eu un revirement, et que c'est maintenant au tour de l'Église protestante de faire le ménage.

NIKIZA Jean-Apôtre est un Pasteur qui exerce son ministère depuis la ville de Bujumbura. Il est marié à Arielle T. NIKIZA et ensemble, ils sont pionniers du Mouvement des Hédonistes Chrétiens, Sa Bannière depuis 2015. Ils sont aussi co-fondateurs de Little Flock Ministries. La spiritualité chrétienne et le Renouveau spirituel de l’Eglise restent les grandes marques de leur appel commun. Les moments de loisirs de NIKIZA J-A incluent les films, la musique,le Basketball et un bon sommeil.

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