Je n’aime pas ce que je vois. Avons-nous déshabillé Saint Paul pour habiller Saint Pierre? Avons-nous guéri un mal pour en causer un autre ? Avons-nous remédié au problème doctrinal pour ensuite causer une crise de spiritualité ? Avons-nous exposé fidèlement l’Evangile tout en étant à côté de la plaque sur le plan de la maturation de la vie intérieure ? Avons-nous répondu correctement à leurs objections doctrinales, puis ignoré leur angoisse morale sur le plan de la sanctification ?

Avons-nous satisfait leur curiosité intellectuelle pour enfin les abandonner sur leur soif dans leur communion expérientielle avec Dieu ? Avons-nous si correctement défini l’Evangile sans démontrer Sa puissance dans notre ministère ? Avons-nous si jalousement insisté que l’Eglise est la colonne de la vérité (1Timothee 3 :15) en ignorant qu’elle est aussi la plénitude de Celui qui remplit tout en tous ? (Éphésiens 1 :23). La résurgence du mouvement de la formation spirituelle de par le monde n’est-elle pas un signe que je ne suis pas le seul à sentir ce malaise ?

Un malaise réel

« Pasteur, j’ai besoin de l’aide. Ces dernières années, j’ai grandi dans mes connaissances bibliques et doctrinales mais j’ai du mal à retrouver ma passion brûlante pour Dieu qui ,jadis , a caractérisé ma vie chrétienne alors que je savais peu de choses »

« Pasteur pourriez-vous m’expliquer pourquoi je semble faire des progrès dans ma connaissance des choses relatives à Dieu et parallèlement je régresse dans la sanctification ? »

« Pasteur, je suis un serviteur de Dieu tout comme vous, il est évident que j’ai enregistré tant de progrès au niveau théologique mais j’ai perdu le sens de la puissance spirituelle dans le ministère public et un sens de la présence de Dieu dans mes dévotions privées. »

« Pasteur, je vous suis très reconnaissant pour m’avoir aidé à corriger mon système de croyances mais je meure de nostalgie pour mon ancienne vie de prière et de témoignage pour Christ. Dites-moi pasteur, n’y a-t-il pas moyen de développer en même temps une théologie saine ainsi qu’une vie de prière et d’évangélisation pleine de vitalité  à la fois? Pourquoi ai-je l’impression que l’une exclue l’autre ? »

Ces plaintes ne font pas seulement partie de mon lot pastoral, mais elles sont également représentatives de plusieurs âmes frustrées et cherchant de l’aide. Je pense qu’il serait sage d’anticiper une tendance de crise de spiritualité dans peu de décennies à venir au sein même des cercles dits « éclairés » théologiquement. Il y a presque 50 ans, Dallas Willard et Richard Foster ont pressenti ce malaise et ont tiré la sonnette d’alarme. Leur labeur a influencé une renaissance du mouvement de la formation spirituelle.

Une poursuite noble

La formation spirituelle est le processus d’être conformé à l’image de Jésus Christ pour la gloire de Dieu et pour le bien des autres. L’agent de la formation spirituelle est le Saint Esprit qui nous transporte dans un voyage continu vers l’union avec Dieu. L’Esprit, la Parole écrite, et la présence vivante de Christ nous servent de repères dans le cheminement.

La formation spirituelle est le processus de transformation du cœur qui, désormais, aspire que le caractère de Christ et les œuvres de Christ accomplies dans la puissance du Saint Esprit puissent être son expression naturelle. La formation spirituelle est un processus organique qui prend toute une vie qui implique l’orthodoxie, l’orthopathie et l’orthopraxie, qui également implique des relations interpersonnelles et l’engagement communautaire.

Une poursuite laborieuse

Le Saint Esprit nous forme de façon à exiger de notre part la participation et l’intentionnalité. Des pratiques spécifiques avec l’objectif clair d’approfondir notre communion avec Dieu en Christ sont incontournables. Elles sont exercés de manière à être basées sur l’Evangile, comptant sur la grâce vivifiante, tout en gardant en vue le but qui est celui de grandir jusqu’à la stature parfaite de Christ (Ephésiens 4 :15). Elles sont souvent subdivisées en trois grandes catégories.

Une poursuite controversée

Ce n’est plus un secret. Généralement, les réformés regardent d’un œil très suspect cette résurgence de l’emphase sur la formation spirituelle. Pourquoi les réformés sont-ils si nerveux à propos de la formation spirituelle ? Je crois que trois peurs sont à l’origine de cette méfiance qui, dans certains cas, peut se transformer en une attaque agressive contre ceux qui s’aventurent à flirter avec les pratiques du mouvement de la formation spirituelle. Notez que j’utilise ce mot « réformés » dans une sorte de généralisation.

Phobie de l’expérience: La vision du discipulat qui tourne autour de l’étude biblique en vue du changement du caractère semble satisfaire beaucoup. Nous connaissons tous la devise : Penser correctement entraine vivre correctement. Mais comme Willard aimait le dire, la formation spirituelle ne vise pas que le changement de caractère comme beaucoup aiment le supposer, ce n’est pas juste à propos du contenu cognitif et du changement comportemental. C’est à propos de recouvrer notre sens du teleios « complet » en Christ.

Les réformés ne peuvent pas prouver que quand une âme cherche à faire une riche expérience de notre union avec Christ sa sainte présence n’est pas tout à fait normale pour une âme régénérée. Mais l’idée du mysticisme chrétien les effraie. Ils préfèrent sacrifier la richesse de l’expérience par peur de perdre le caractère correct de leur système de croyance. Ils sont loin de pouvoir dire comme Tim Keller dans son livre Experiencing God dans lequel il ecrit, « si nous devons être déséquilibrés, il est préférable d’être doctrinalement faibles et avoir une vie de prière vitale et un vrai sens de la présence Dieu dans notre cœur qu’avoir toutes les doctrines correctes et être spirituellement froids et endurcis. » (Keller, 2014, p.40)

Phobie de l’œcuménisme: les réformés ont un écœurement envers les autres spiritualités qui ne se situent pas dans la même tradition que la leur. Ils supportent Saint Augustin pour ses enseignements anti-bibliques de la régénération baptismale, mais ils ont du mal à supporter quiconque lit Thérèse d’Avila, Jean de la Croix ou le prêtre catholique hollandais Nouwen. Mais, ils ne peuvent pas prouver que la Bible ne nous encourage pas à apprendre des autres croyants et devrions au fait le faire (2Timothee 2 :2, Tite 2).

Des pères du désert nous apprendront la solitude, des mystiques catholiques nous apprendront la contemplation, des charismatiques nous apprendront l’attention aux mouvements de l’Esprit etc. Parfois, ce sont des chrétiens qui n’appartiennent pas à notre tradition qui nous apprennent des choses, que l’on ne saurait pas autrement, balançant ainsi les faiblesses caractéristiques de notre camp. Le mouvement de la formation spirituelle a une grande appréciation pour les riches écrits dans les 20 siècles de l’histoire de l’Eglise.

Une poursuite en résurgence

Au niveau populaire, le mouvement de la formation spirituelle a émergé en partie avec la publication de Richard Foster en 1978 de Celebration of Discipline bien que Dallas Willard (1935-2013), un philosophe américain connu pour ses écrits sur la formation spirituelle en reste le cerveau. Les organisations de Richard Foster et Dallas Willard ont travaillé main en main pour attirer l’attention des chrétiens sur cette crise de spiritualité. Henri Nouwen, qui a enseigné à Harvard et à Yale, et sa fondation après sa mort ont aussi contribué à cette résurgence.

En outre, nous observons un intérêt grandissant en formation spirituelle dans presque toutes les églises qu’elles soient vieilles, évangéliques traditionnelles, pentecôtistes ou charismatiques.

Au niveau académique, on ne peut qu’apprécier l’intégration de la formation spirituelle dans les séminaires comme Westmont, Talbot, George Fox. Aujourd’hui, il est possible de poursuive des Master en Arts, Master of Divinity et même des Doctorats de ministère, tous dans la concentration de la formation spirituelle. Des formations en direction spirituelle comme celles du psychologue chrétien éminent Larry Crabb sont organisées ici et là sans parler des retraites spirituelles de Renovaré, ainsi que d’autres organisations et ministères sur la formation spirituelle.

Longtemps avant Richard Foster de Renovaré, un autre Richard dit de Chichester, un bishop du 13e siècle a, un jour, dit, « ma prière de tous les jours est que je puisse Te voir plus clairement, T’aimer plus chèrement et Te suivre de plus près. » Je prie qu’elle soit la quête de nous tous et que Dieu y réponde selon la richesse de sa gloire en Jésus Christ.