Mais notre article va se focaliser sur sa réponse à la question épineuse à propos de la destinée éternelle de ceux qui appartiennent aux religions non chrétiennes, et ceux qui sont morts sans jamais avoir entendu l’Evangile. Il a joué le genre de fausse note qui tue toute la partition musicale. Sa réponse révèle des failles théologiques sérieuses  auxquelles il m’incombe  de revenir. En définitive, on ne manquera pas de s’interroger si un leader de son envergure doute du caractère exclusif de l’Evangile, qu’en est-il  de ses ouailles ? Pire qu’adviendra-t-il de la future génération chrétienne ?

La question est posée à la 22e  minute de la vidéo, mais on n’a pas besoin de tout visionner puisque l’interview ne suit aucune logique particulière. Il n’y a aucun contexte large à cette question car  le journaliste semble avoir favorisé une sorte d’interview « free style », touchant de façon disparate des aspects librement variés concernant la communauté des banyamulenge, la vie de Gitwaza et les chrétiens en général. Ici, la transcription et la traduction de l’interview.

Prenons par exemple la violation d’une loi comme les feux de signalisation, lorsque tu t’approches et que le feu est rouge, même s’il n’y a pas de policier, tu t’arrêtes quand même car tu sais qu’on ne grille pas un feu, sinon il y aurait violation de loi et ainsi tu pêches.

Alors, chaque société a ses propres lois. Que ça soit les musulmans, les hindous ou les bouddhistes, ils peuvent distinguer le bien du mal, c’est ce qu’ils appellent « des interdits ». S’ils les violent, selon leur culture, ils maquent d’intégrité. Seulement, nous qui avons connu Jésus, nous avons reçu ce qu’on appelle un shortcut, « raccourci ». Si tu violes une loi et que tu demandes à Dieu… à Jésus de te pardonner, Il te pardonne. Mais eux, ils ne demandent pas pardon à Dieu, par contre ils font des œuvres qui, selon eux, feront que leurs péchés soient pardonnés. Les musulmans, les hindous ou les bouddhistes iront au ciel s’ils ont obéis à toutes les lois qui les régissaient sans les violer. Sinon, c’est difficile pour moi de dire que Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie, nul ne vient au Père que par lui, qu’ils pourraient passer par ce chemin pour les mener au ciel, non. Par contre, ils seront jugés selon les lois qu’ils ont choisies. Mais c’est Dieu, le Juge, qui le sait.

Seulement la Bible me dit que celui qui a eu l’opportunité d’entendre la bonne nouvelle et qu’il ne l’a pas accueillie, il est déjà sous le jugement. S’il en a l’opportunité et qu’il refuse il n’est plus de ma responsabilité, moi je ne fais que prêcher et la suite appartient à Dieu. Mais ce que je sais, c’est que ceux qui ont cru en Jésus-Christ comme fils de Dieu et qui l’on reçut, eux ils ont la garantie du ciel. [1]

Je vois au moins quatre importantes failles doctrinales dans ces mots :

« Dieu nous a tous donné une conscience sur laquelle se trouvent les éléments de base de sa loi morale et qui répond en nous accusant lorsque nous n’avons pas fait ce qui est juste (Romains 2). Cependant, parce que nous sommes déchus, nos consciences ne fonctionnent pas toujours comme elles le devraient. Dans notre péché, nous pouvons ignorer la voix de la conscience et nous pouvons même supprimer la vérité de Dieu à un tel point que nos consciences deviennent brûlées et insensible à ses normes saintes… L’idée est que les gens se sont tellement endurcis dans leur péché qu’ils n’essaient plus de le cacher. Ils n’ont pas la capacité de se repentir ; comme par exemple les prostitués ; ils ne ressentent aucune honte pour leur péché, ou du moins ils sont capables de surmonter la honte et de continuer à commettre des péchés aveuglement. »[2]

1) La croyance en un Seul Dieu bon et Tout Puissant.

2) La croyance en la responsabilité morale de l’homme qui doit à Dieu une obéissance parfaite de la Loi.

3) La conscience qu’il ne peut remplir ces standards par conséquent il se tient devant Dieu coupable et condamné.

4) La réalisation qu’il ne peut rien offrir à Dieu pour compenser son péché et culpabilité.

5) La croyance que Dieu est plein de compassion qu’Il peut pardonner ceux qui se jettent à Lui, implorant le pardon.[3]

Mais abandonné à lui-même, l’homme ne peut se tourner vers Dieu( Rom1 :19-32) et ainsi la révélation générale n’est pas une autre alternative du salut mais un signe de jugement contre le pécheur qui se tient inexcusable devant son Créateur. Elle est là pour servir de jugement pas pour indiquer une autre source de salut. Sinon pourquoi Paul aurait posé cette question rhétorique : Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler? Et comment en entendront-ils parler, s’il n’y a personne qui prêche ? (Romains 10 :14)  Il s’en suit que seule la proclamation de l’Evangile peut produire une Foi qui sauve.

Alors aucun de mes ancêtres qui ont vécu avant l’avènement des missionnaires n’est allé au ciel?

Si Paul Gitwaza est coupable d’un dangereux inclusivisme, l’exclusivisme ne manque pas ses extrêmes. Dans l’Ancien testament, Dieu pouvait se révéler en dehors d’Israël.

Cinq siècles avant qu’Israël conquiert Canaan, la ville de Jérusalem était habitée par des monothéistes qui semblent avoir eu la révélation  spéciale de Yahweh sous le leadership spirituel du Sacrificateur Melchisédech. Abraham avait sans doute eu vent de lui, et quand il le rencontra, il se prosterna et lui donna la dime de tout ce qu’il possédait (Genèse 14 :17-24) ; Melchisédech devint le type de Christ, qui exercera un sacerdoce extraordinaire comme Melchisédech sans qu’il soit lévite. De la même façon, Job reçut la révélation spéciale. « Et quand les jours de festin étaient passés, Job appelait et sanctifiait ses fils, puis il se levait de bon matin et offrait pour chacun d’eux un holocauste; car Job disait: Peut-être mes fils ont-ils péché et ont-ils offensé Dieu dans leur cœur. C’est ainsi que Job avait coutume d’agir. » (Job 1:5). Les théologiens conservateurs reconnaissent qu’il a vécu aux temps des patriarches avant la période mosaïque de la loi. Et pourtant que lisons-nous ? Il avait reçu la révélation d’un sacrifice de substitution qui implique une conviction profonde de son péché et le jugement mérité de la mort.

Longtemps avant Moise, Dieu révélait souverainement le système sacrificiel à commencer par Abel, Seth, Hénoch, Noé, Job etc. Toutes ces personnes n’étaient pas sauvées par un strict moralisme comme Gitwaza le prétendent mais par une révélation spéciale qui contenait anticipativement et substantiellement les mêmes éléments salvateurs qui constituent notre Foi en Jésus Christ aujourd’hui. Ils plaçaient leur foi de façon anticipative en Christ qui allait venir. On ne peut pas nier que Dieu dans Sa souveraineté aurait choisi de se révéler à quelques personnes en dehors d’Israël, et malgré leur échec à faire connaitre la Foi en Yahvé dans les nations. Mais Il n’y a jamais existé deux chemins pour le salut.

En outre, les enfants morts avant l’ âge de la raison pourraient aller au ciel, non parce qu’ils sont innocents car la Bible nous dit que nous sommes conçus dans l’iniquité (Psaume 51 :5) ; Mais puisque ils meurent avant l’âge conscient de réprimer la révélation générale de façon qui les rend inexcusables devant Dieu (Romains 1 :20), ils ne peuvent pas être envoyés en enfer. La seule alternative reste l’œuvre expiatoire de Jésus Christ qui rachète ces âmes des bébés. Je reconnais que cette déduction ne se fait que par inférence. D’autres érudits ont reconnu cette alternative comme John Piper, Spurgeon, John Macarthur ou  B.B Warfield etc.

Un Evangile confus aujourd’hui est un Evangile perdu demain.

N’importe qui regardant la vidéo pourrait très bien remarquer les mouvements d’hésitation et d’incertitudes de Paul Gitwaza devant une question aussi cruciale que l’Evangile. D.A Carson est réputé pour avoir souvent fait remarquer que si l’Evangile est confus pour une génération donnée, la suivante le rejettera : Perdre l’Evangile n’arrive pas tout d’un coup. C’est beaucoup plus comme un processus de 4 générations :

Nous ne devons jamais présumer que l’Evangile est clair pour tout le monde et penser qu’il est temps de commencer à nous concentrer sur d’autres aspects moins primordiaux.                      D.A Carson nous offre Sa sagesse :

« Peut-être plus courante encore est la tendance à présumer l’Evangile, quel qu’il soit, tout en consacrant énergie créatrice et passion à d’autres questions…Si l’évangile est simplement présumé, alors que des problèmes relativement périphériques enflamment notre passion, nous formerons une nouvelle génération qui minimise l’Evangile et  concentre son zèle sur les choses périphériques.[4]

Je me souviendrais toujours de ce jeune homme, qui refusa de se prononcer sur sa position au sujet du ministère des femmes. Il répondit «  parlez-moi d’abord des cinq Solas de la Réforme Protestante au moins cinq fois avant de me demander ma position sur le sujet ». Nous devons décider où nous allons concentrer notre énergie dans le contexte comme le nôtre où il reste tellement à faire dans la consolidation de l’Evangile. Nous devons répondre honnêtement à cette question de D.A Carson

« Qu’est-ce qui vous excite le plus  dans la foi chrétienne ? … Aujourd’hui, il existe d’innombrables sous-groupes de chrétiens confessant qui investissent énormément de temps et d’énergie à une question ou une autre : l’avortement, la pornographie, l’enseignement à domicile, l’ordination des femmes (pour ou contre), la justice sociale, un certain style d’adoration, la défense d’une version particulière de la Bible…Je ne suggère en aucun cas que nous ne devrions pas penser à de telles questions…Mais lorsque de telles questions dévorent la majeure partie de notre temps et de notre passion, chacun de nous doit se demander : De quelle manière est-ce que je confesse la centralité de l’Évangile ? »[5]

Dernière recommandation

Quand je pense à l’avenir de l’Eglise du Burundi, je pose mon regard sur mon fils Deuel, puis sur Clinton, celui d’une famille très proche puis sur Morane, une petite fille très vive et je me pose enfin cette question : Sommes-nous entrain de rendre tellement explicite l’Evangile dans tout ce que nous faisons dans Little Flock, de façon que la future génération n’ait pas de trouble dans sa définition et pertinence quand ils grandiront ? J’aime confronter à moi-même ce genre d’exhortations.

« Dans nos discours, nos conversations, et certainement nos prédications, nous devons rendre l’Évangile explicite, au risque de mal communiquer un faux Évangile. Nous devons rendre explicite la vie parfaite de Jésus et sa mort substitutionnelle. Nous devons rendre aussi explicite les conséquences de nos péchés et le prix que Dieu a payé pour eux. Nous devons  également rendre explicite l’appel aux pécheurs à se détourner de leurs péchés et à faire confiance à Jésus. Enfin, nous devons rendre explicite que tous les avantages du salut et de l’éternité ne sont donnés que parce que nous avons été adoptés par Dieu et que nous sommes devenus héritiers à cause de Jésus. Rendez explicite l’Évangile. Ne présumez pas que les gens d’église le comprennent. Soyez clair à tout moment et à chaque fois. » [6]

[1] https://www.youtube.com/watch?v=XBwb-oV9Zds vous pouvez visionner la vidéo à partir de la 22e minute. Je dois à El Malakay la transcription et la traduction de l’Interview.

[2] R-C Sproul faisait partie du camp exclusif de  ceux qui croient que la révélation naturelle ne peut à elle seule sauver  https://www.ligonier.org/learn/devotionals/our-consciences-and-our-guilt)

[3] Systematic Theology, Vol. 2, Grand Rapids: Eerdmans Publishing Co., 1952, p. 646.

[4] https://www.thegospelcoalition.org/article/20-quotes-gospel-centrality/

[5] D.A. Carson. Basics for Believers: An Exposition of Philippians. Grand Rapids, MI: Baker Academic, a division of Baker Publishing, 1996. Pgs. 22-28.

[6] https://www.justindeeter.com/articles/archives/2141