Luther ne voulait pas que le protestantisme tombe dans la vieille erreur de la dépendance des masses sur un clergé professionnel. Il voulait éviter la fosse fatale entre le sacré et le profane dans la vocation. Pour cela il fallait insister sur la possibilité de tous les chrétiens d’interpréter les Ecritures
Il était profond et mystérieux, j’étais trop jeune. J’étais tout fasciné mais cela n’allait pas durer. Mon jeune instinct me murmurait qu’il y avait une différence entre mystérieux et obscur et que je devais être prudent. Dans ma jeunesse, aspirant après un mentorat d’une personne spirituelle et plus âgée que moi, j’étais allé trouver la personne la plus calme que je connaissais. Un homme de Dieu dégageant une auréole surnaturelle autour d’elle, tout imbibée dans la prière et instruit. Je n’avais que 16 ans…qui savait ce que j’allais découvrir ! Tandis que je ne cessais de l’assaillir de questions pour ce que je ne comprenais pas, normal pour un adolescent de mon âge, une expression revenait plus souvent dans ses répliques « n’amabanga frère. » tout était mystérieux pour lui et échappait à une simple explication rationnelle et biblique. En moins d’une année, je n’en pouvais plus. Ce n’était pas ce que je recherchais.
Au moyen Age, des siècles avant Martin Luther, les choses n’étaient pas si différentes. L’Eglise Catholique avait refusé aux simples fidèles le droit de comprendre. Il fallait tout gober sans poser de questions. C’était mystérieux. Seul le prêtre pouvait comprendre. Lui seul pouvait lire et expliquer la Bible. Même Luther a dû lire son Nouveau Testament caché, la Bible sous les draps dans son pauvre monastère augustinien. L’Eglise avait suivi une herméneutique très douteuse d’allégorisation, remontant depuis Origène d’Alexandrie au 2e siècle qui ouvrait des portes à tant de spéculations.
Quand vint le moment de la grande révolution, Martin Luther avait hâte de libérer les fidèles de toute servitude et endoctrinement obscur. Il ne suffisait plus simplement d’insister que la foi est le moyen par lequel nous sommes justifiés. Il fallait aussi insister que la Bible est la seule norme ayant une autorité absolue au-dessus de tous les conciles. Il fallait insister sur la prêtrise de tous les croyants et leur droit de lire et comprendre la Bible par eux-mêmes. Et pour cela il fallait enseigner une nouvelle façon d’interpréter plus objective, et rejeter l’approche hautement subjective et spéculative de l’allégorisation. “C’était très difficile pour moi de rompre avec mon zèle habituel d’allégorisation. Et pourtant j’étais conscient que les allégories étaient de vides spéculations sans tête ni queue. C’est le sens historique qui seul procure au texte une vraie et saine doctrine. » [1]
Il fallait qu’il pose des fondements pour une nouvelle herméneutique. En voici ses trois grands piliers :
Il fallait insister que la Bible est claire dans son sens et qu’elle peut être comprise par le peuple ordinaire.
Luther n’ignorait pas que le péché est l’obstacle numéro 1 qui nous empêche de comprendre Dieu dans la Bible et non pas la nature du texte lui-même. Mais cette barrière peut être continuellement surmontée par le miracle du Saint Esprit qui donne une illumination spirituelle. « Les mystères les plus profonds de Sa suprême Majesté ne sont plus cachés mais sont maintenant exposés dehors aux yeux de tout le monde. Christ a ouvert notre entendement pour que l’on puisse comprendre les Ecritures et l’Evangile est désormais prêché à toute créature … Je sais que pour beaucoup de gens la Bible reste en grande partie obscure. Mais cela est dû à notre endurcissement de cœur et aveuglement spirituel qui font qu’ils refusent d’exercer le moindre effort afin de voir la vérité qui, en soi est plus qu’évidente. [2]
Luther n’a jamais dit que tous les textes de la Bible étaient clairs au même niveau. Il reconnaissait que certains textes exigent un effort plus assidu. Il ne niait pas non plus le besoin du ministère des enseignants dans l’Eglise, des gens mis à part pour s’adonner de façon spéciale à l’étude, la compréhension et l’enseignement de la Bible. Mais il insistait qu’aucun chrétien n’a besoin d’être un écho passif d’un certain spécialiste ecclésiastique. Il voulait que chaque chrétien s’implique dans une étude rigoureuse de la Bible. Que chaque chrétien, en s’appuyant sur le Saint Esprit essaie de percer le sens originel du texte, cerner l’intention de l’auteur, les préoccupations théologiques et spirituelles ainsi que les besoins des destinataires. Il nous exhorte à chercher un seul sens au texte en procédant à une étude historico grammaticale. «Je reconnais certainement que plusieurs passages dans la Bible sont obscurs et difficile à élucider. Mais cela est dû, non pas à la nature élevée de ces textes mais à notre ignorance en termes de langue et grammaire. Et cela ne nous empêche pas de connaitre tout le contenu de la Bible. » [3]
Luther était très christocentrique dans son approche d’interpréter la Bible. Christ est celui que l’Ancien testament typifie en ombres. Il est celui vers qui l’Ancien Testament tend. Il est l’accomplissement dans le Nouveau Testament et la plénitude de toutes choses dans l’éternité.
« Quelle vérité solennelle les Ecritures peuvent-elles à présent cacher, aujourd’hui que les sceaux ont été brisés, aujourd’hui que Christ, Dieu le Fils, est devenu Homme pour que le Dieu trinitaire puisse régner éternellement ?… Enlevez Christ de la Bible, et il n’y restera plus rien. »[4]
Ce principe était si cher à Martin Luther. Aujourd’hui encore elle vaut de l’or ! Il croyait que la Bible s’interprète elle-même. Il faut interpréter les parties obscures de la Bible à partir des parties claires de la Bible. Il était convaincu qu’en lisant bien sa Bible, on peut résoudre chaque problème d’interprétation en prêtant attention de la façon dont les auteurs sacrés se servent des autres écritures dans la Bible. En prêtant attention à la vaste perspective biblique et doctrinale jetant lumière à notre texte particulier, nous élargissons nos horizons de compréhension.
Luther a vite compris qu’il fallait éduquer le nouveau mouvement protestant dans une nouvelle approche d’interpréter la Bible. Son insistance sur la clarté des Ecritures était elle-même une ramification logique de sa vision de la prêtrise de tous les croyants qui peuvent ainsi se résumer : Tous les chrétiens sont des sacrificateurs devant Dieu. Ils ont un accès égal devant Lui et une responsabilité égale de s’entraider spirituellement.
Bien que presque tous les réformateurs étaient des experts en langues classiques, avaient eu une formation philosophique, étaient cultivés et tout trempés dans la culture humaniste, Luther ne voulait pas que le simple chrétien en soit asservi. Il ne voulait pas que le protestantisme tombe dans la vieille erreur de la dépendance des masses sur un clergé professionnel. Il voulait éviter la fosse fatale entre le sacré et le profane dans la vocation. Pour cela il fallait insister sur la capacité de tous les chrétiens d’interpréter les Ecritures. En fin de compte nous finissons par avoir un croisement de trois doctrines très essentielles à la liberté chrétienne : Prêtrise de tous les croyants, la vocation chrétienne et la Clarté des Ecritures.
Si Luther a mené ce combat c’était pour le chrétien ordinaire. Aujourd’hui 500 ans après son combat des multitudes sont encore captives des faux enseignements et n’osent remettre en cause quoi que ce soit. L’autorité n’est-elle pas sacrée en Afrique ? Comment oserais-je contredire l’Homme de Dieu ! Quelle rébellion je risque ! Ils oublient qu’ils sont historiquement « protestants », un terme pas très cool et qui à l’ origine signifiait « rebelle…qui remet en cause l’autorité papale. » Luther a risqué toutes ces étiquettes pourvu qu’il protège l’autorité de la Bible. Des méthodes d’interpréter la Bible y compris l’allégorisation et beaucoup d’autres tant sordides que légères sont à l’origine de plus de 99% de sermons que les chrétiens entendent tous les dimanches et font d’eux des proies des enseignements non bibliques, déséquilibrés et au pire des hérésies ! Chaque nouvelle saison de Green Pastures au début de chaque année est une opportunité de crier « REVEILLEZ-VOUS… ! »
D’un autre côté, on remarque un élitisme dangereux dans les milieux reformés. Nous perdons peu à peu la sensibilité de Luther, de faire la théologie pour le peuple. Nous abandonnons progressivement le fardeau d’équiper le peuple pour la théologie et nous nous focalisons sur une élite particulière. Nous les envoyons au séminaire, puis reviennent pour exposer leurs connaissances devant un peuple qui n’a jamais été formé à réfléchir théologiquement et investiguer par eux-mêmes le sens des textes bibliques. Je suis très inquiet car je vois que cette petite porte s’agrandit petit à petit pour devenir le cheval de Troie qui d’ici peu libérera un millier d’autres maux dont : le fossé entre le professionnel théologien et le laïc, le fanatisme et l’endoctrinement.
Green Pastures est un modeste effort depuis 2016 qui aide d’innombrables chrétiens à lire et comprendre la Bible par eux-mêmes. Notre riche recyclage de lire la Bible amène chaque année les lecteurs à lire 4 à 5 chapitres par jour, de recevoir des notes sur la centralité de Christ, de participer dans nos séances qui les introduisent aux éléments basiques de l’interprétation de la Bible : contexte historique, contexte littéraire, contexte théologique, l’intention originelle de l’auteur, le thème central du livre, la grande histoire de la Bible, et comment faire des applications personnelles qui ne devient pas du sens originel du texte. Bientôt des Green cells dans différents quartiers de la ville fourniront un cadre idéal aux lecteurs de s’encourager mutuellement, évangéliser et méditer ensemble sur la Bible.
Dans l’Eglise de Little Flock, nous encourageons un mouvement local de prédicateurs laïcs et à travers les clubs de prédication nous formons hommes et femmes aux rudiments de l’exégèse, herméneutique et homilétique. Nous n’élevons par le sermon de dimanche au niveau d’un travail du professionnel. Bien que nous préconisions d’autres cadres où nos fidèles sont enseignés et enracinés dans les doctrines, le sermon de dimanche doit rentrer dans le cadre de l’exhortation mutuelle où hommes et femmes participent.
[1] Notez qu’Erasme ne croyait pas en la clarté des Ecritures et Bondage of the Will a été écrit comme une réponse à Erasme.
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
NIKIZA Jean-Apôtre est un Pasteur qui exerce son ministère depuis la ville de Bujumbura. Il est marié à Arielle T. NIKIZA et ensemble, ils sont pionniers du Mouvement des Hédonistes Chrétiens, Sa Bannière depuis 2015. Ils sont aussi co-fondateurs de Little Flock Ministries. La spiritualité chrétienne et le Renouveau spirituel de l’Eglise restent les grandes marques de leur appel commun. Les moments de loisirs de NIKIZA J-A incluent les films, la musique,le Basketball et un bon sommeil.
L’adoration dans nos cultes
Si un mouvement ne chante pas, il meurt.
Le plus beau rêve ou le pire cauchemar ?
C’était en 2015, je venais de me réveiller en sursaut à trois heures du matin après un horrible rêve ! Je rêvais qu’un de mes êtres les plus chers était en procès et que la sentence était tombée … Il allait être exécuté.
Qui était David Ndaruhutse ?
Qui était David NDARUHUTSE? Quelles étaient ses origines ? Quelles ont été ses accomplissements durant sa courte durée dans le ministère ? Que sont devenus sa famille et son ministère ? Son Fils Peter NDARUHUTSE nous raconte.
La gloire de Dieu est mon trésor
Les saintes écritures nous exposent du début à la fin un Dieu, qui, dans Sa parfaite intelligence et selon le conseil de Sa parfaite volonté, bénit toute la création à partir de Sa gloire. Il a fait de sorte que toute joie réelle et durable passe par Sa gloire.
Quand lire la Bible devient une dure corvée
Soyons honnêtes, il nous est tous déjà arrivés de trouver la Bible ennuyeuse, au moins certaines de ses parties. Il nous est déjà arrivés de nous demander à quoi certains passages riment vraiment et pourquoi ont-ils été insérés dans un livre saint dont la lecture est sensée nous apporter tant d’excitation et de passion !