Est-il acceptable pour moi de mentir parfois? Dois-je toujours dire la vérité? Cette question est-elle même importante? Réfléchissons-y…
L’article d’aujourd'hui nous confronte à une énigme éthique: Dois-je toujours dire la vérité, quelles que soient les circonstances? Devrais-je, en aucun cas, ne jamais mentir? Cette question est-elle vraiment si importante?
Devant le dilemme éthique de toujours dire la vérité, il semble que deux camps se démarquent.
Les relativistes: Certaines personnes disent que de "petits" mensonges occasionnels ne sont pas si graves aussi longtemps qu'ils n’en sont pas les victimes eux mêmes. Quant aux "gros" mensonges, certains pensent que tout dépend s’il y aura des retombées négatives sur d’autres personnes. Pour eux , si dire la vérité cause plus de tort que de bien, alors mentir peut être une option.
Les absolutistes: D'un autre côté, certains citent le 9eme commandement: "Tu ne mentiras point !" (C'est, d'une certaine manière, plus convainquant dans l’anglais de la Bible King James). Ils trouvent que le commandement est suffisamment clair et sans ambiguïté. La plupart du temps, nous finissons tous par mentir (surtout lorsque cela nous arrange); mais pour ces personnes, vivre une vie d'intégrité est une question sérieuse. Elles ne sont ni naïves ni aveugles face au fait que la vérité a parfois un coût, et elles sont prêtes à le payer. Font ils preuve d’un esprit étroit?
Avant d’y répondre, laissez-moi vous dire ce qui m'a fait réfléchir (ou pourquoi nous parlons de cela même).
Dietrich Bonhoeffer était un ministre chrétien devenu espion en Allemagne nazie et il pensait que ceux qui ont une vision (légaliste) de ne jamais mentir sont étroits d'esprit, tant en ce qui concerne le bon sens que l'enseignement biblique auquel ils prétendent adhérer :
"C'est seulement le cynique qui prétend "dire la vérité" en tout temps et en tout lieu à tous les hommes de la même manière... Il blesse la honte, profane le mystère, rompt la confiance, trahit la communauté dans laquelle il vit et rit avec arrogance de la dévastation qu'il a causée et de la faiblesse humaine qui "ne peut supporter la vérité".
Cité de "Bonhoeffer: Pastor, Martyr, Prophet, Spy", Metaxas E.
Son biographe, Eric Metaxas, nous donne un exemple d'une fois où Bonhoeffer a réussi, contre les directives du Bureau de Régulation de la Littérature, à publier un livre contenant des points de vue pro-juifs — c'était pendant la période de censure intense de l'Allemagne nazie. Il a réussi en prétendant que le livre était une simple exploration scientifique désintéressée, alors qu'en réalité, il savait très bien qu'il combattait implicitement le régime. Dans ce cas, il considérait que mentir était la volonté de Dieu pour cette époque. Après tout, selon son raisonnement, il ne devait pas la vérité aux nazis. Cela m'a vraiment intrigué pour au moins trois raisons.
Premièrement, on pense généralement que mentir est inévitable avec le niveau actuel de corruption dans ce monde; peu importe vos bonnes intentions - et, par extension, peu importe l'ampleur de votre engagement chrétien (par exemple, vous devez saupoudrer un peu de falsification si vous voulez voir votre entreprise décoller). Deuxièmement, Bonhoeffer n'est pas un simple ministre chrétien ; si vous avez déjà lu son livre "Cost of discipleship" (comme je l'ai fait il y a des années), vous ne trouverez pas difficile de comprendre pourquoi il est maintenant considéré comme un "classique". Ce qui précède est vraiment choquant, venant d'un théologien aussi éclairé que lui. Troisièmement, il ne s'agissait pas ici d'énoncer des mensonges dans un but égoïste; au contraire, il s'agissait de mensonges réellement dangereux et menaçant la vie, au service du bien supérieur. J'étais prêt à écouter!
J'ai pensé à deux autres histoires qui sont non seulement pertinentes pour cette question, mais qui rendent cette question encore plus intéressante. Nous avons d'abord l'histoire des sages-femmes hébraïques: elles ont menti au pharaon, désobéissant à son ordre (par crainte de Dieu) de tuer les nouveau-nés garçons juifs. Dieu "agit favorablement" envers les sages-femmes par la suite (Exode 1:20). Nous avons également l'histoire de Rahab la prostituée qui ment au roi de Jéricho pour cacher les espions de Josué (Josué 2:5-7). Elle est ensuite mentionnée parmi les héros de la foi dans le Nouveau Testament - une foi manifestée le jour même où elle a menti.
Eh bien, cela règle la question, pourriez-vous dire : Même la Bible dit que mentir, occasionnellement, est acceptable. Mais est-ce vraiment le cas?
Rappelez-vous, lorsque le mensonge est explicitement abordé, au moins dans un cas, dans une autre histoire des Écritures, un couple; Ananias et Sapphira, sont morts comme résultat du châtiment (Actes 5). Vous pourriez suggérer que peut-être la ligne est tracée lorsqu'il s'agit de mentir à l'église (ou aux dirigeants de l'église, ou dans les affaires sacrées), mais que l'Écriture est assez réaliste pour laisser place au mensonge lorsqu'il s'agit d'affaires séculières imparfaites, corrompues et sales (comme c'est le cas pour Rahab et les sages-femmes hébraiques). Est-ce vraiment ainsi que nous devrions comprendre cette question?
Je tiens tout d'abord à souligner que si nous lisons bien les deux récits (Rahab et les sages-femmes hébraiques), nous constaterons qu'il n'y a aucun commentaire explicite sur l'acte de mentir en lui-même. Dans ces deux épisodes du moins, les Écritures restent silencieuses sur la question éthique du mensonge. Certes, Dieu traite bien les "menteurs" non pas à cause de leurs mensonges, mais à cause de leur foi et de leur crainte de lui — donc en réalité, c'est malgré les mensonges.
Le fait qu'elles soient bien traitées ne constitue pas un aval divin de l'acte de mentir et cela ne signifie pas non plus que tout ce qu'elles ont fait était juste. Cela signifie simplement que je ne vois pas de fondement suffisant et incontestable pour considérer que les deux récits nous donnent le feu vert pour mentir.
De plus, si vous regardez ces récits sous un angle différent, vous réaliserez qu'en fin de compte, le plan ultime et prédit de Dieu s'accomplit, même à travers les mensonges et les tromperies au cœur de chaque cas. Dans une autre histoire, la "bénédiction" d'Isaac tombe sur Jacob, exactement comme Dieu l'avait prévu, malgré le réseau de tromperies qui l'ont rendu possible. Même dans l'histoire centrale de l'Évangile, le Fils de Dieu meurt et assure notre salut, malgré la trahison de Judas qui a rendu tout cela possible. En bref, oui, que cela nous plaise ou non, le mal a parfois rendu possible des événements clés dont nous chantons les louanges. Mais y avait-il une approbation du mal commis? En réalité, dans ce dernier exemple, il y a eu un jugement.
Alors, vous pourriez demander, si Dieu peut utiliser le mal pour accomplir le bien, pourquoi ne pourrions-nous pas en faire autant ? Pourquoi ne pourrions-nous pas parfois emprunter les armes du mal et lui rendre la monnaie de sa pièce, pour autant que notre intention soit de détruire le mal... N'est-ce pas?
Dans le cas de Bonhoeffer, il était totalement convaincu que la mort d'Hitler était et sera "objectivement" pour le bien de tout le monde (comment pourrais-je contester cela?) et donc, dans certains cas au moins, la fin justifie les moyens.
Vous remarquerez sans doute que je parle maintenant du "mal" en général et pas seulement des mensonges, car lorsque vous en acceptez un, vous les acceptez tous. De plus, je suis un peu mal à l'aise avec cette façon de penser (utiliser occasionnellement le mal contre lui-même) et je n'adopterais pas aveuglement cette vision pour des raisons que je mentionnerai ci-dessous.
Pour commencer, je me demande où tracer la ligne? Avons-nous maintenant la permission de faire des choses méprisables tant que c'est au service du bien? S'il y a une limite à fixer, où se situe-t-elle et à quel moment saurons-nous que nous l'avons franchie? Parce que le truc c’est que: nous, les êtres humains, sommes forts lorsque vient le temps de nous justifier nous-mêmes; nous sommes capables de rationaliser à peu près tout ce que nous faisons — même si nous avons tort, même lorsque nous ne savons pas que nous avons tort et (sans surprise) même lorsque nous savons très bien que nous avons tort mais que nous en tirons profit. Sommes-nous prêts à baser notre éthique sur une telle faiblesse, une connaissance limitée et une partialité dans le jugement?
Deuxièmement, comment savons-nous qu'après une utilisation "réussie" dudit mal, nous ne devenons pas nous-mêmes maléfiques? Il est communément admis que le mal appelle plus de mal et l'histoire est pleine d'exemples: le sang appelle plus de sang et les mensonges appellent plus de mensonges. Sommes-nous certains de pouvoir nous retenir du mal lorsqu'il en demande plus?
Pouvons-nous garantir que nous ne serons pas affectés par le mal? Est-ce que notre conscience, notre innocence et notre vertu resteront inchangées après cela? "Un homme peut-il prendre du feu en son sein sans que ses vêtements s'enflamment?" (Proverbes 6:27). Sommes-nous certains de pouvoir nous en sortir indemnes? À mon avis, nous sous-estimons le pouvoir du mal lorsque nous sommes confiants en notre capacité à résister à la corruption qui en découle.
De plus, même si nos motivations sont pures, à quel point sommes-nous sûrs que la tromperie (ou le mal en général) aboutira au meilleur résultat? Qui a l’habilité à juger de ce qui est le meilleur résultat? Nous? Et si quelqu'un d'autre a une vision différente de ce "meilleur résultat"? La version de qui devrait prévaloir? N'est-ce pas une erreur de supposer qu'il n'y a pas de meilleur résultat simplement parce que nous ne pouvons pas en imaginer un? Pouvons-nous même garantir que le "meilleur résultat" que nous envisageons se réalisera certainement? De plus, n'est-il jamais arrivé dans votre propre vie que ce qui semblait être un résultat mauvais et horrible (pour vous et tout le monde autour de vous) s'est avéré être la meilleure chose qui vous soit arrivée avec le recul? Pourquoi sommes-nous alors si confiants dans le fait que nous sommes suffisamment sages pour savoir ce qui devrait arriver tout le temps?
"Dois-je donc ne pas combattre le mal?" "Dois-je rester les bras croisés et laisser toutes sortes de mal se produire lorsque j'ai le pouvoir de les éviter?" Ce n’est pas ce que je dis. Le mal n'est jamais l'état désiré des choses; combattez-le de toutes les manières possibles. Le sujet dont il est question ici est la manière dont nous le combattons.
La vérité peut parfois être comme une épée tranchante dans les mains d'un fou, c'est-à-dire qu'il serait insensé de dire toute la vérité à n'importe qui, quel que soit son statut, que le moment soit propice ou non, que cela convienne à la personne ou si elle est capable de la gérer ou non. Par exemple, Jésus (qui n'a jamais menti) préférait parfois dire quelque chose de cryptique aux foules (car cela pourrait facilement provoquer une émeute) et l'expliquer plus tard de manière claire en secret à ses disciples.
Ainsi, la Bible offre une richesse de sagesse sur la conservation des secrets, la discrétion (Proverbes 11:13), la prudence, la grâce et l'habileté dans la parole (Proverbes 12:23); en bref, la manière dont la vérité doit être communiquée compte autant: par exemple, nous devrions dire la vérité avec amour (Éphésiens 4:15) et bien discerner à qui nous la disons (Matthieu 6:7).
Avec cela dit, je vois tellement de choses se passer avec le simple acte de mentir, quel que soit le motif (peur, orgueil, honte, amour, etc.). Mais une chose est sûre, lorsqu'il s'agit du commandement divin de ne pas mentir, il y a plus qu'il n'y paraît - ce n'est certainement pas une restriction étroite comme certains pourraient le penser. Personnellement, en réfléchissant à cette question, et quelle que soit l'angle sous lequel je la regarde, je ne vois rien qui se rapproche de la sagesse supérieure de la conservation du commandement de Dieu.
De toute évidence, il y a beaucoup plus à considérer sur cette question et tant de problèmes non abordés ; mais mon espoir est d'offrir au moins une manière utile et générale de réfléchir à cette question. Il peut être facile pour moi d'écrire ces choses depuis le confort de ma chaise et dans un pays sans guerre, mais je pourrais ne pas être à la hauteur de cette norme lorsque les problèmes surviennent. Je ferais mieux de prier et de demander l'aide de Dieu pour ne pas échouer.
"L'Éternel déteste les lèvres menteuses, mais il se plaît en ceux qui disent la vérité."
Proverbes 12:22
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Photo: HomeSpotHQ Balance, Flickr
Remesha Yvan Florian travaille en tant que développeur de logiciels à Kampala où lui, sa femme Joy et leur fils Asher Zane vivent. Il est passionné par la lecture ainsi que par l'écriture, qu’il exerce depuis un certain temps sur son blog remesha.com . Il est également pianiste et aime faire du jogging.
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