Le mouvement réformé au Burundi en gestation et immature
L’Histoire de l’Eglise du Burundi en cinq périodes
Il existe une grande lacune dans la connaissance de l'Histoire de l'Eglise du Burundi surtout parmi la jeune génération des chrétiens/serviteurs de Dieu. Cela ne va pas sans graves conséquences sur nos approches ministérielles en général mais plus en particulier sur le sens d’appartenir à un peuple de Dieu historique qui dans ses chutes et victoires et bassesses et gloires, faiblesses et forces, demeure le résultat d’une œuvre de grâce de Dieu dans les vies des gens imparfaits. Nous sommes le fruit de cette Eglise que Dieu est venu chercher à travers la première flamme de passion qu’il alluma dans le cœur du premier missionnaire. Nos ministères et églises sont le résultat des efforts infatigables et sacrificiels des hommes et femmes de Dieu que l’Histoire a facilement oublié mais qui comptent pour Dieu. Je regarde le passé de cette Eglise avec discernement mais aussi avec beaucoup d‘humilité. Je contemple son avenir avec réalisme mais aussi avec beaucoup de foi et espérance.
Dans cette série d’articles, en soi sommaires, nous allons parcourir son histoire en 5 périodes importantes :
En 2008, un jeune éditeur de magazine Christianity Today, Collin Hansen, alors âgé de seulement 26 ans, décida de mener des recherches sur un mouvement qu’il croyait en train de devenir une grande force au sein du christianisme évangélique moderne. Diplômé d’un Master in Divinity de Trinity Evangelical Divinity School, armé d’un diplôme en journalisme et l’histoire de Northwestern University, il mit en œuvre ses talents pour étudier le mouvement. Il fabriqua un terme pour désigner la résurgence du calvinisme parmi les jeunes américains comme étant YRR (Young Restless and Reformed). Il publia un livre qui popularisa l’appellation du mouvement (Young, Restless, Reformed: a journalist’s Journey with the New Calvinists.) L’année suivante, le Magazine très connu Time confirma ses recherches, en reconnaissant le Nouveau Calvinisme comme étant une des 10 idées qui sont en train de changer le monde.
Le mouvement est né grâce aux organisations comme Grace To You, du Pasteur et auteur John MacArthur, Sovereign Grace de C. J. Mahaney, Desiring God de John Piper, le ministère de Ligonier de R.C Sproul, The Gospel Coalition de D.A Carson &Tim Keller, Together for the Gospel, une organisation qui n’existe plus depuis 2022 mais qui avait été fondée par Mark Dever, Ligon Duncan, C.J. Mahaney, and Albert Mohler pour promouvoir l’unité parmi les reformés . Nous avons toujours 9Marks de Mark Dever dont les ressources continuent d’influencer plusieurs.
Il est souvent dit que ESV Study Bible constitue la Bible d’étude de ce mouvement et que la théologie systématique de Wayne Grudem, est son livre de doctrine. Le mouvement est aussi popularisé par les réseaux d’églises comme Mars Hill sous le leadership du Pasteur Mark Driscoll (bien que plus tard l’organisation soit passée par une grave crise de leadership), ou alors Acts 29 avec Matt Chandler. YRR est aussi popularisé par des grands événements rassemblant des jeunes, le plus connu de tous étant Passion où des dizaines de milliers se rassemblent chaque année dans les grandes villes des USA pour écouter les prédications de Louie Giglio, Matt Chandler, John Piper, Francis Chan, au goût de la musique de Tomlin et de Lecrae.
Après presque 150 ans du déclin du Calvinisme américain, on a vu renaître un intérêt tout nouveau dans les doctrines de la grâce dans la tradition réformée et puritaine.
Aujourd’hui, le mouvement se déplace au Royaume-Uni, au Canada, on voit aussi une résurgence du nouveau calvinisme dans certaines parties de la France. Dieu soit loué, quelques parties de l’Afrique sont aussi atteintes bien que l’impact ne soit pas encore important.
La technologie est une épée à double tranchant. Mais la réponse au mauvais usage n’est jamais non usage mais bon usage. Bien que le faux évangile de la prospérité, parole de foi, et confession positive ait été popularisé grâce aux medias et Internet, c’est également grâce aux pasteurs et théologiens américains du mouvement du nouveau calvinisme et leur présence sur internet que les vents du nouveau calvinisme ont soufflé jusqu’au Burundi.
Alors que depuis 2010 à Bujumbura, plusieurs jeunes se bousculent pour suivre prophètes, apôtres et guérisseurs du faux mouvement mentionnés dans l’article précédent, pendant ce temps, une petite poignée des jeunes intellectuels essaient de rebâtir leur foi, aidés par les enseignements des pasteurs et théologiens réformés disponibles en ligne.
Ils suivent des podcasts comme :
Ils regardent des vidéos comme :
Ils lisent des livres
J’ai fait partie de la première aventure d’implantation d’une église reformée et j’ai vite réalisé que nous minimisions notre influence sur la grande communauté en traitant la présence médiatique avec méfiance et suspicion.
Au début j’ai cru qu’il s’agissait du manque d’assurance dans nos convictions et bien sûr qu’il nous manquait d’assurance sur un bon nombre de sujets théologiques , ministériels et missiologiques. Je considère toujours comme présomptueux le fait de s’aventurer dans le domaine médiatique alors qu’on construit à peine sa théologie et sa philosophie de ministère.
Mais avec le temps j’ai réalisé que notre méfiance par rapport au monde des medias provenait surtout d’une fausse humilité, une arrogance issue d’un faux sentiment d’autosuffisance et une fausse application de la souveraineté de Dieu.
Little Flock Ministries fut alors le premier ministère reformé à utiliser le pouvoir des medias pour disséminer des enseignements bibliques dans la tradition calviniste.
Après une décennie des débuts timides, nous devons quitter la phase du fanatisme et entamer progressivement la phase de l’auto critique et de l’auto évaluation pour identifier surtout les faiblesses de ce mouvement.
Une des meilleures choses à faire est d’apprendre de ceux qui ont fait le même exercice, dans un contexte qui bien sûr n’est pas le nôtre, mais qui présente des affinités avec le nôtre.
Le mouvement réformé au Burundi affiche tous ces signes de faiblesse qui ont été généralement et historiquement caractéristiques de la tradition reformée :
En plus de ces faiblesses communes au mouvement réformé en général et que nous incarnons « si bien », il existe trois autres faiblesses qui sont propres au contexte burundais.
Une importation irréfléchie de la culture de controverse américaine.
L’influence de la culture américaine sur le mouvement réformé en résurgence est évidente et parfois toxique. A moins que l’on apprenne à prendre une distance objective pour observer, on risque d’importer la même culture ici, exactement comme les premiers missionnaires l’ont fait.
Apprenons d’Alistair Begg, un sage pasteur réformé britannique par exemple qui a appris à discerner les failles de l’evangelicalisme américain
« Laissez-moi vous dire une chose explosive. Je vis ici depuis 40 ans et ceux qui me connaissent le mieux savent que, lorsqu'on parle de théologie, de choses concrètes, j'ai toujours dit que j'étais un peu en décalage avec le monde évangélique américain, pour cette raison. Je suis le produit de l'évangélisme britannique, représenté par John Stott, Martyn Lloyd-Jones, Eric Alexander, Sinclair Ferguson et Derek Prime. Je suis un produit de cela. Je n'ai jamais été un produit du fondamentalisme américain. Je viens d'un monde où il est possible de saisir les nuances. »
Je crois que la génération montante sera plus équilibrée si nos jeunes redécouvraient des théologiens britanniques, asiatiques ou africains. Peut-être que cette diversité pourrait les aider à résister le piège de s’enfermer dans un evangelicalisme américain qui manque le sens des nuances et manque l’irénisme respectueux dans le débat.
La dépendance financière sur l’Occident
Même dans le contexte réformé, le syndrome caucasien d’expansionnisme vit bel et bien. Malgré toute une longue histoire de dépendance financière de l’Eglise d’Afrique, nous acceptons encore des partenariats qui ne favorisent pas le processus d’indigénisation de l’Eglise du Burundi, conduisent à la perte d'identité culturelle et nous rendent moins aptes à répondre aux besoins spécifiques de notre communauté.
Mais au fond, une telle attitude démontre souvent un manque de foi. Nous vivons dans un pays où chacun essaie de survivre péniblement et briser un long cycle de pauvreté et de misère, il est difficile de savoir entre opportunisme et gloire de Dieu ce qui informe nos choix de partenariats et initiatives ministérielles.
Un manque de contextualisation
Nous avons une histoire de la contextualisation qui a mal tourné au cours du chemin. Nous avons assisté Le mouvement ATR, African Traditional Religion, sacrifier l’intégrité de l’Evangile sur l’autel de l’appropriation culturelle africaine. Mais le besoin de contextualisation reste.
Tout le monde sait que le mouvement réformé est dominé par des males caucasiens qui souvent servent de mentors et modèles aux noirs qui embrassent la théologie réformée. Néanmoins un sentiment de gêne commence à s’installer comme on l’a déjà souligné dans un autre article quand nous avons évoqué la place des rappeurs reformés noirs dans un mouvement à dominance caucasienne.
Ils vivent dans un même pays, mais proviennent du monde différent du leur. Ils se sentent souvent incompris et surtout ils sont choqués par ces théologiens éloquents qui font de l’exégèse mais silencieux quand il s’agit du racisme perpétré contre les noirs et autres minorités.
Au Burundi, je vois encore une nouvelle génération des jeunes qui semblent indifférents à cette urgence de contextualisation et ne rêvent qu’ à être des mimiques d’un enseignant expert caucasien quelconque. On doit dépasser ce stade ridicule si on veut avoir un impact dans ce pays. Nous devons développer des modèles de ministères contextuels depuis la liturgie aux formes de prédication, des paradigmes de church planting aux approches dans l’évangélisation, tout doit être repensé à l’africaine, à la burundaise.
NIKIZA Jean-Apôtre est né de nouveau en 1997 et appelé au ministère en 2005. Il est pasteur, enseignant, conférencier et écrivain. Il est fondateur du blog Sa Bannière depuis 2018, du mouvement biblique Green Pastures depuis 2015 et co-fondateur de Little Flock Ministries. Il est passionné par la spiritualité chrétienne et le renouveau de l’Eglise. Marié à Arielle Trésor NIKIZA, ensemble ils sont pionniers du mouvement des Hédonistes chrétiens au Burundi. Ils ont deux enfants : NIKIZA Thaïs Garden et REMESHA Nik-Deuel Trésor. NIKIZA Jean-Apôtre est aussi connu pour être un lecteur assidu des livres. Les grandes influences qui ont façonné sa vie et le ministère sont: Martyn Lloyd Jones, John Piper et A.W Tozer. Ses passe-temps sont : la musique, le basketball, les films et un bon sommeil.
L’adoration dans nos cultes
Si un mouvement ne chante pas, il meurt.
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